Kalash Criminel x Fifou — Sélection naturelle


Un enfant de quatre ans, métissé, fait front devant sa mère, qui elle-même, cagoulée (comme le rappeur Kalash Criminel), porte dans ses bras un enfant en bas-âge. L’enfant fronce les sourcils et entre ses bras pas encore bien épais, il tient un bâton en bois, la gestuelle protectrice et responsable. C’est que devant eux, deux policiers en uniformes officiels, sont sur le point de passer à l’acte, et d’embarquer la petite famille. C’est en tout cas ce que laisse suggérer l’image, qui se focalise volontairement sur les uniformes des policiers (et pas, par exemple, sur leurs visages) et qui, en le faisant, les déshumanise, et pointe la fonction aux dépens des hommes qui l’incarnent.

Polisse

Le roi Saint-Louis, au XIIIe siècle, rendait justice sous un grand chêne à Vincennes, comme s’en souviennent les nombreux récits qui racontent les faits et gestes du neuvième Louis de l’histoire de France ? C’est au tour de ce gamin-là de le faire, lui dont on nous dit sans surprise (dans le très bon petit documentaire Undercover, produit par France TV), qu’il incarne une figure fantasmagorique d’un Kalash rajeuni.

L’histoire d’une Sélection naturelle donc, qui condamnerait ceux qu’une certaine vision de la justice (toujours les mêmes ?) aurait décidé de condamner. Kalash Criminel a donné carte blanche à Fifou, le directeur artistique, photographe, graphiste dont on a déjà si souvent parlé sur Néoprisme et responsable d’une grande partie de l’image du rap français depuis quinze ans. Fifou en a profité pour signer, contexte politico-social oblige (les violences policières en rafale, les évacuations musclées de migrants…) l’une des pochettes les plus impactantes de l’année. Devant les dérives des plus grands, à la jeunesse de jouer ?

Le son

« Aujourd’hui, dans la définition du rap conscient, Kalash Criminel, c’est plus conscient que Médine. Médine a plus de légèreté, tandis que Kalash Criminel apporte un propos un peu plus dur, de manière plus régulière ». La parole est signée Youssoupha (une autre grande figure du rap shootée par Fifou…), et résume la position qu’occupe aujourd’hui le rappeur né dans l’ancien Zaïre au sein du rap français des années 2020. Un criminel cagoulé et lourdement armé pour dire le rap engagé, conscient, percutant, c’est l’attestation que fournit cette année encore Sélection naturelle, un statut attesté notamment par les rappeurs Damso ou Niska, qui viennent apporter leur poids (« But en or », « Tu paniques ») à un album qui prend position, et qui ne se cache pas, contrairement à ce que pourrait laisser entendre la cagoule de son protagoniste, pour le faire.

Kalash Criminel (Site officiel / Facebook / Instagram / Twitter / YouTube)

Fifou (Site officiel / Facebook / Instagram / Twitter)

Kalash Criminel, Sélection naturelle, Sale Sonorité Records / AllPoints, 55 min., artwork par Fifou