Interview : Ferry Gouw, D.A. de Major Lazer


Né dans la capitale indonésienne de Jakarta, à plus de 11 700 kilomètres de Londres (on a calculé), là où il réside désormais, Ferry Gouw est aujourd’hui l’omnipotent directeur artistique de Major Lazer, le projet bodybuildé de Diplo, dont la trajectoire n’aurait sans doute pas été aussi fulgurante sans l’aspect visuel intégralement conçu par cet artiste autant inspiré par Botticelli que par G.I. Joe. À l’occasion de l’exposition rétrospective consacrée fin mai à la Galerie L’Issue à son travail autour de l’identité visuelle du Major, Ferry Gouw revient avec nous sur son parcours, sur l’échange quotidien qui est le sien avec Diplo, et sur l’attitude nouvelle d’un Major devenu sur la pochette de Peace Is The Mission (le troisième album de Major Lazer) plus pacifiste et conciliateur qu’hier…

Ferry Gouw, D.A. de Major Lazer

Tu es aujourd’hui l’un des plus fameux directeurs artistiques liés à l’industrie du disque. Mais alors, une question : avant de bosser avec Major Lazer, qui étais-tu exactement ?

Ferry Gouw : Aha ! Ce n’est pas tout à fait vrai, mais merci ! Avant de travailler avec Major Lazer, je mixais de la musique, je faisais des flyers et des pochettes d’albums pour des groupes (mais pas à l’échelle de ce que je fais pour Major Lazer…), et je venais juste de terminer ma formation à la Central Saint Martins School de Londres.

Le personnage de Major Lazer est-il inspiré d’un personnage particulier, fictif ou réel, ou est-il une forme d’allégorie ?

Ferry Gouw : Diplo et son manager Kevin avaient initialement tissé la toile de fond de ce qui devait constituer le personnage : un commandant rasta avec un pistolet à la place du bras, destiné à tuer des zombies… J’ai intégré le projet juste après, et ai tout de suite eu l’instinct que celui-ci était fait pour moi…L’aspect du personnage en lui-même, c’est une combinaison de nombreux personnages de dessins-animés et de comics (Bishop, Marvel…), entre Cable, Deathlok et certaines créations X-Men

Avec Diplo, est-ce un dialogue permanent entre vos deux cerveaux ou es-tu à l’origine de l’intégralité des idées graphiques du projet ?

Ferry Gouw : C’est toujours une discussion continue. Il est très fun, très drôle, une personne de goût. Du coup, il m’aide pas mal à discipliner mes idées. On a énormément confiance l’un en l’autre.

Es-tu, dans ton travail avec Major Lazer, inspiré par un artiste ou par un mouvement artistique en particulier ?

Ferry Gouw : Mon influence principale est probablement Wilfred Limonious, qui a designé une série de pochettes d’albums en Jamaïque dans les années 70 et 80. Mais Diplo et moi-même avons grandi entourés de personnages de dessins-animés, comme He-Man, Centurions, GI Joe, etc. En Indonésie, je regardais aussi beaucoup de dessins animés japonais comme Saint Seiya ou Doraemon.

Quand je regarde ta collaboration avec Major Lazer, j’ai tendance à la mettre en parallèle avec celle qui associe SBTRKT et A Hidden Place. L’un incarne le son, et l’autre incarne l’image… Avez-vous la même ambition avec Diplo ?

Ferry Gouw : Je suppose que oui, la collaboration entre la musique et l’image, aujourd’hui, me paraît encore plus forte et plus importante qu’hier… Mais je ne sais pas si notre relation artistique est comparable à une autre : on a tellement l’impression de travailler en symbiose, avec une multitude d’idées qui fusionnent tout le temps… On essaye de penser de manière permanente à de nouvelles choses, et même dans nos posts Tumblr ou nos tweets…

Peux-tu me parler de la pochette de Peace Is The Mission ?

Ferry Gouw : On a voulu représenter un Major Lazer plus tranquille, plus pacifiste, plus réfléchi, plus spirituel. On a essayé de faire en sorte que l’image soit plus épurée, plus simple, et pourtant plus audacieuse et plus forte. Je suis en train de réduire et de désemplir les images afin de les rendre plus suggestives, de ne plus montrer tout dans un seul et même cadre comme je le faisais avec les précédentes pochettes.

Cette pochette est-elle directement liée à la précédente ?

Ferry Gouw : Non, d’une certaine manière, c’est un nouveau départ, ou au moins une nette progression vis-à-vis du dernier album. Ce visuel incarne ce qui précède le chaos, une certaine phase de reconstruction. Major Lazer tente de fusionner les tribus afin qu’elles ne fassent plus qu’un, avec un élan plus positif et plus spirituel que dans le passé.

Peux-tu m’en dire davantage sur l’exposition organisée en ton honneur à la galerie L’Issue de Paris ?

Ferry Gouw : C’était la première fois que toutes ces images étaient regroupées en un seul et même endroit, et présentées avec un format et une taille aussi adaptés. C’était aussi la première fois que je voyais ces images à côté de moi, en dehors de mon ordinateur… Ça a été une très belle chance pour moi de voir, concrètement, la progression de mon travail sur le projet Major Lazer, des premiers dessins réalisés dans le cadre de mon audition pour le job à là où j’en suis maintenant avec Peace Is The Mission


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Major Lazer, Peace Is The Mission, 2015, Mad Decent Under / Because Music, 32 min., pochette par Ferry Gouw