Gia Margaret x Carley Solether — Mia Gargaret


On découvrait il y a deux ans There’s Always Glimmer, disque d’une beauté simple, pure et minimale (c’est souvent l’impression que font, lorsqu’ils sont bons, les disques de musique folk) d’une chanteuse de Chicago qui portait un univers fragile, intime, introspectif, par le biais d’une voix douce, apaisée, aérienne. Elle, afin de qualifier sa musique, parlait de sleep rock et le terme avait reçu l’adhésion de tous ceux qui avaient tenu entre les tympans ce petit bijou qui évoquait autant Sufjan Stevens (version folk, lui aussi) que Bon Iver (version sans autotune).

Chanteuse sans voix

Et puis, pour Gia Margaret, il y eut un drame, et la nécessité impérieuse de trouver, puisqu’il fallait le faire, une autre manière de pouvoir exprimer et évacuer tout ce qui traîne à l’intérieur de soi. Quoi de plus problématique en effet, lorsqu’on gagne sa vie et qu’on exprime son art grâce à des chansons composées et interprétées avec l’objectif qu’elles soient écoutées par les autres, que de perdre sa voix ? Une laryngite a empêché l’américaine de chanter pendant des mois et la tournée de There’s Always Glimmer, source de revenus principale pour un artiste indé, rappelons-le, a été annulée.

Le genre de catastrophe dont on ne se remet pas si facilement ? Pour Gia Margaret, c’est l’inverse qui s’est produit. À la manière par exemple, d’un Robert Wyatt, l’ex Soft Machine qui avait composé le chef-d’œuvre Rock Bottom, non plus à la batterie mais sur un synthé Riviera à l’hôpital après une défenestration (cette fameuse chute de quatre étages à l’anniversaire de la poétesse Gilli Smyth) qui lui a avait couté une paralysie des deux jambes, l’américaine a en effet profité de ce handicap momentané pour se réinventer ou en tout cas, pour explorer des chemins qu’elle n’avait jusqu’alors pas pleinement emprunté.

Alternative

Mia Gargaret, le second album de Gia Margaret, est ainsi un disque de musique ambient et quasi exclusivement instrumental, parcouru tout juste par des fields recordings qui captent, alternativement, des extraits de thérapies vocales, un bout d’une conférence du philosophe britannique Alan Watts, des bruits de cloches, de feux, ou même, sur « lakes », le murmure d’un lac qui ruisselle et qui continue sa lente et longue exploration du temps.

Sur ce morceau-là, on a la sensation d’entendre l’endroit où la photo de ce second album, qui est devenu sa pochette, a été prise, puisque dans le morceau comme sur cette photo signée Carley Solether, on se sent submergé par la force aqueuse des eaux. La pochette de Mia Gargaret pourrait évoquer la mort par noyade d’un corps qui aurait définitivement sombré et qui flotterait désormais sans plus rien pouvoir faire d’autre, mais pourrait tout aussi bien dire la seconde naissance, celle qui laisse entrevoir la possibilité, puisque le soleil a décidé de se lever encore, d’un jour nouveau. Et puisque l’ultime morceau du disque, « lesson », fait réapparaître cette voix que l’on avait cru perdue (à d’autres époques, on eut sans doute parlé de véritable miracle), on comprend que c’est bien d’une résurrection dont il s’agit, métaphoriquement, ici, et d’une petite mort qui aura abouti, chez une artiste dont on saluera la force de conviction et de réinvention de soi-même, à un très grand moment de vie.

Gia Margaret (Site officiel / Facebook / Twitter / Instagram / Bandcamp / YouTube)

Carley Solether (Site officiel)

Gia Margaret, Mia Gargaret, 2020, Orindal Records, 28 min., design & photo par Carley Solether