Frànçois & the Atlas Mountains x Tatiana Defraine – Solide Mirage


Illusion d’optique due à la réfraction des rayons lumineux dans l’atmosphère, l’idée de mirage est liée à celle d’incertitude, de projection mentale, de fantasmes que l’on formule si fort qu’ils tendent, au moins pour soi, à devenir réalité. Rien de solide donc, contrairement à ce que formule le nom du sixième album de Frànçois & the Atlas Mountains, Solide Mirage, et qui a mis du temps à s’appeler ainsi de manière définitive. Frànçois Marry, leader des Atlas Mountains :

Le temps où Bruxelles rêvait

« Au départ pour l’album j’avais comme idée de titre Chaos K.O. Cacao, puis Europe Rapt, puis Cœur de Bruxelles, puis Chaosolide…j’en passe… Visuellement, je pensais m’orienter autour de ces pistes regroupées sur ce Pinterest, images avec lesquelles j’avais d’ailleurs commencé à décorer le studio. On y retrouve les thèmes chers à « mon Bruxelles » (car c’est là-bas que réside dorénavant Frànçois, ndlr) : les symbolistes belges, Jan Fabre et le chocolat, le chaos du grunge, le palais de Justice symbole du désordre architectural, l’enlèvement d’Europe…Mais tous ces thèmes étaient très lourds à gérer. »

C’est l’idée de Solide Mirage qui s’impose alors. « Ce titre exprime pour moi la rigidité de la rêverie, le chaos émanant du désir, l’aliénation du monde de l’image et de la publicité, et de toutes les distortions du réel que nous subirons au XXIe siècle. Je veux exprimer par cet album que nos projections mentales sont des mirages dont la concrétisation n’en demeure pas moins abstraite. Comme Tatiana travaillait à côté de moi pendant la confection de l’album, il m’a finalement suffit de tourner la tête et de prendre ce qu’il y avait sous mes yeux comme solution d’artwork. »

Cette solution, elle vient donc de l’oeuvre de Tatiana Defraine, artiste elle aussi basée à Bruxelles, et dont le travail consiste en la déformation digitale d’images émanant de magazines de mode (« une vengeance douce sur le règne de la beauté »), images qui se trouvent ensuite transférées en peinture, puis sur toile. L’artwork finalement sélectionné pour illustrer ce nouvel album, sorti chez Domino Records, provient pour sa part de la série Danser sur du verre, à l’ombre des papyrus. Un projet que Tatiana nous explique, en détails :

« C’est le questionnement sur la matérialité même de la peinture qui m’a amené à cette série de peintures sur verres qui a pour titre : Danser sur du verre, à l’ombre des papyrus. Il s’agit ici d’une série de peintures acryliques étalées sur du verre. La peinture acrylique blanche a absorbé les traces d’une images qui bouge lors de la numérisation au scanner. L’image devient mouvante, floue.

J’ai dépassé l’envie de figuration, par une absorption complète de l’image par la peinture-matière. L’image peinte devient un double, un négatif, une trace, une empreinte. L’image première, référant, est arrachée de son contexte (le magazine de mode féminine) puis retravaillée, abîmée, effacée, dé-contextualisée, déformée, agrandie, recouverte…. J’en fais ensuite une empreinte. Son obsolescence programmée est figée, son apparition fugace est fixée. Ces images publicitaires sont construites pour créer chez nous des envies fantômes, pour hanter. Je tente de les figer, les attraper pour mieux les observer, les comprendre… Comme des mirages qui nous échapperaient.

Ce travail met également à jour un acte sensuel, un contact entre l’image choisie et retravaillée et la peinture, un contact charnel. Il s’agit d’une absorption, l’image laisse une marque par pression sur une surface. Une inquiétante image- contact né de cette union. La peinture devient prédatrice, absorbante, imposante. Elle est la trace d’une absence et d’une adhésion passée, elle est emprise. Ce contact sensuel entre une image et sa matière produit une copie qui est l’enfant charnel, un enfant hybride. Présence d’un spectre sous nos yeux. Inquiétante étrangeté que cet enfant hybride, empreinte, fruit d’un contact trouble entre image et peinture. »

Concernant la typographie de l’album, enfin, Frànçois Marry nous dit avoir fait appel à Jeremy Landes, qui a créé entièrement chaque sigle spécialement pour cet album, processus suffisamment rare et précieux pour être précisé ici. « Je suis extrêmement heureux car cette police pourra être partagée et utilisée par quiconque souhaite la télécharger gratuitement, le jour de la sortie de l’album, le 3 mars. Pour un artiste, voir des éléments de son imaginaire vivre leur propre vie est ce qu’il y a de plus gratifiant !!! »

Le son

Comme un symbole, Solide Mirage a été enregistré dans la ville belge de Molenbeek, cité tristement mise sous le terrible feu des projecteurs après les attentats ayant touché, en 2015, la capitale parisienne. Ces attentats, et les violences chaotiques d’un monde « déréglé », Frànçois et ses Atlas Mountains les soulèvent, au sein de ce 6e album de nouveau sorti chez Domino, et pas seulement celles concernant le territoire français, puisque le groupe a aussi appris de quelques-unes des dates effectuées au Moyen-Orient (Égypte, Liban, Turquie…), là où la fièvre de la révolte brûle encore parfois avec une patience résolue. Les chants de l’espoir, afin de contrer les déboires.

Frànçois & the Atlas Mountains (Site officiel / Facebook / Twitter / Youtube)

Tatiana Defraine (Site officielTumblR / Instagram)

Jérémy Landes (Site officiel)

Frànçois & the Atlas Mountains, Solide Mirage, 2017, Domino Records, 39 min. artwork par Tatiana Defraine, typographie par Jeremy Landes