Une salle obscure oriente toute entière son regard vers un espace d’où transparaît la lumière. Il est possible que tous regardent un film projeté sur un écran format cinéma de quartier, et il est probable aussi que tous soient présents, sur ce visuel qui illustre le nouvel album de Franc Moody — funk aux allures de très grande fête — afin de proposer une transcription à-peu-près littérale au titre de ce nouveau disque, Dream in Colour.

Comment rêver, en couleur donc et par le biais de lunettes 3D juxtaposées sur le devant du regard ? En projetant son esprit ailleurs que devant ces écrans qui hypnotisent, absorbent et fascinent. Franc Moody :

« L’idée initiale, c’était de photographier le groupe en train d’être absorbé par quelques chose hors champ, avec tout le monde portant des lunettes 3D. Nous avons parlé de cette idée à une de nos camarades de photographie, Emma Dudlyke, qui l’a ensuite développé et nous a montré une référence vraiment intéressante…

Bwana Devil et Société du Spectacle

La pochette de ce disque a ainsi été inspirée par la photographie emblématique du journaliste photo J.R. Eyerman pour le magazine Life, prise au Paramount Theatre à Hollywood en 1952. L’image montrait la projection du tout premier film 3D en couleur, Bwana Devil.

Un détail de cette photo a également été utilisé comme couverture d’une édition de La Société du Spectacle de Guy Debord, le texte phare du mouvement situationniste. Le mouvement mettait en avant le fait que les progrès capitalistes dans la technologie, les loisirs et la richesse ne compenseraient pas le dysfonctionnement social et la dégradation de la vie quotidienne, qu’il infligeait simultanément. C’est une idée qui résonne toujours aujourd’hui, et notamment avec ces intelligences artificielles qui dirigent le monde occidental dans lequel nous visons aujourd’hui.

Nous avons réuni un groupe de copains et quelques fans proches lors d’une froide soirée de novembre à Walthamstow (nord de Londres, NDLR) et avons essayé un tas d’expressions faciales. Nous avons gardé la photo sur laquelle les membres du groupe gardent le visage droit, et où le reste du « public » est en hystérie. »

English version

« The initial idea was to photograph the band engrossed in something out of shot all wearing 3D glasses. We took this idea to a photographer mate of ours, Emma Dudlyke who then expanded on this idea and showed us a really interesting reference…

The album cover was inspired by the iconic photograph by Life magazine photo journalist J.R Eyerman shot at the Paramount Theatre in Hollywood in 1952. The image showed the open night screening of the first ever full length colour 3D movie called Bwana Devil.

A detail of the photo was also used as a cover for Guy Debords La Societe du Spectacle. The book was a leading text of the situationist movement. The movement believed that capitalist advances in technology, leisure and wealth would not outweigh the social disfunction and degradation of everyday life that it simultaneously inflicted. This is something that resonates with us in the information and A.I. led western world we live in today.

We gathered a bunch of mates and a few close fans on a cold November evening in Walthamstow and tried a bunch of facial expressions etc. The money shot  ended up being one in which the band are keeping straight faces and the rest of the “audience” are in hysterics. »

Le son

Réputés pour leurs prestations lives enflammées, inclusives et déjantées, les Londoniens de Franc Moody trouvent dans un funk qui groove la source d’une pop électronique qui fait sévèrement bouger. Et si l’un des morceaux phare de ce second album — le premier, judicieusement nommé Dance Moves, était sorti en 2018 — se nomme « Dopamine », comme la fameuse « hormone du bonheur » c’est pour amplifier encore cette sensation de bien-être que l’on ressent à l’écoute de ce disque aux humeurs printanières et aux rêveries, effectivement, faites de jolies couleurs.

Franc Moody (Site officiel / Facebook / YouTube / Twitter / Instagram)

Franc Moody, Dream in Colour, 2020, Juicebox Recordings, artwork par Emma Dudlyk