Entracte Twist x François Grivelet x Étienne Gimenez – Entracte Twist


Une végétation aux formes indistinctes, couplée à un urbanisme aux formes biens plus régulières, et nécessairement bien plus froides. C’est l’opposition, complémentaire et ordinaire, proposée par le groupe Entracte Twist, par le biais d’une pochette de disque qui renvoie, le fait d’un découpage graphique astucieux, aux meilleures heures du label Factory et de son graphiste star Peter Saville, une pochette référencée et impactante que ses principaux protagonistes, joints par mail, nous raconte.

Initialement, nous avions confié le projet de la pochette à une amie artiste (Audrey Matt Aubert). Tout son travail se base sur l’emploi d’une architecture moderne redessinée et prise hors de son contexte. La série qu’elle avait réalisée sur les cités curiales nous plaisait beaucoup pour son côté graphique et hors du temps. C’est vraiment un endroit à part. Au milieu des grandes tours modernistes se développent des jardins, des jeux d’enfants, des espaces de vies pour les gens. Cela ne donne pas vraiment l’impression d’être là où on devrait être et reste un peu hors du temps. L’ensemble donne un côté très science-fiction, tout en étant très daté architecturalement parlant, et la transformation proposée par Audrey nous paressait coller à ce qu’on voulait faire sur le papier. Mais le médium du dessin connotait énormément le visuel de la pochette et nous donnait une identité qui ne nous convenait pas.
Entracte Twist x Charlotte Salomon  – Christine Young

C’est la que nous avons fait appel à un autre copain, François Grivelet, pour transformer l’idée de départ. François est un excellent photographe, qu’on avait déjà vu chez Gonzaï notamment, et dont les atmosphères et les prises sur le vif avec un grain très fort nous plaisait vraiment. Pour la pochette, on lui a demandé s’il était possible de faire complètement autrement. Un truc un peu dans l’esprit de Laurent Kronental, qui est un photographe qu’on aime beaucoup aussi. Après une après-midi passée à faire des prises de vues, François nous a présente une sélection de photos. Celle qui a fait l’unanimité comportait une série de palmier prise en contre plongée donnant sur les tours. La dualité complètement décalée entre l’architecture ultra « moderne » des cités curiales, géométriques, graphiques, visuelles, et le côté très naturel des palmiers dont en plus on ne perçoit aucun détails au premier plan nous semblait très intéressant. Cela semblait donner l’impression de sortir d’une jungle hostile en découvrant une cité étrange et inconnue. Qui plus est, cela permettait de faire le lien avec le visuel de notre premier EP Christine Young et sa végétation importante. Et bien sur, il y a aussi la référence au Gun Club et au palmier de Miami.

La photo avait été pensé pour être en fond noir, mais sur la proposition d’Etienne Gimenez de notre label Requiem Pour Un Twister, la mise en page à été complètement revue et le coloris jaune a été ajouté. Plus visuel et aussi un peu plus dans l’air du temps, l’idée nous a plus et a été adoptée. 

Étienne Gimenez (qui a fait le layout de la pochette)

Par manque de moyens, parfois à la demande des artistes de nos labels, je me suis souvent retrouvé à être responsable des pochettes de nos artistes. Si je n’ai pas la prétention d’être graphiste, je pense avoir un bon œil et une certaine sensibilité artistique et une connaissance parfaite du cahier des charges des imprimeurs pour les pochettes de disques, ce qui évite souvent de nombreux et fastidieux allers-retours avec les graphistes.

Triptides x Jeremy Perrodeau x Étienne Gimenez‎ – Visitors (2018)

Par manque de moyens, parfois à la demande des artistes de nos labels, je me suis souvent retrouvé à être responsable des pochettes de nos artistes. Si je n’ai pas la prétention d’être graphiste, je pense avoir un bon œil et une certaine sensibilité artistique et une connaissance parfaite du cahier des charges des imprimeurs pour les pochettes de disques, ce qui évite souvent de nombreux et fastidieux allers-retours avec les graphistes. 

Pour Entracte Twist, le groupe m’avait envoyé une proposition « faite maison » avec les photos de François Grivelet et le dessin de Audrey Matt Aubert qui me plaisaient beaucoup puisqu’ils représentaient la cité curial de Paris 19, qui, en-dehors d’être des bâtiments iconiques de la skyline parisienne, sont aussi des signatures de Roger Anger, un architecte d’après-guerre que j’aime beaucoup car il propose un travail très géométrique, très rythmique, dans la filiation logique de l’œuvre du Corbusier, qui fonctionne divinement avec la musique en général, et à celle d’Entracte Twist en particulier. Malheureusement, la proposition manquait d’un peu d’énergie et il y avait quelques problèmes de respect des marges de coupes. 

Est-ce que c’est un disque vers lequel je m’orienterais si je le voyais dans les rayons d’une boutique ?

Étienne Gimenez

Après plusieurs essais avec notre stagiaire de l’époque qui n’avait pas plus au groupe, je suis reparti sur quelque chose de très simple. Je me suis inspiré de deux de mes pôles de référence concernant les pochettes de disque. D’une part, Peter Saville et son travail pour Factory Records, et d’autre part, les pochettes du label Sarah Records : donc minimalisme post-punk, couleurs éclatante et photos tramées. L’idée était d’avoir quelque chose dont on comprend rapidement le propos (punk, post-punk, imagerie fin 70’s – early 80’s), d’avoir une police serif, parce qu’on en a marre du tout Helvetica mais aussi qui claque dans les rayonnages d’un disquaire avec un fort contraste, d’où le jaune. Co-dirigeant le label, c’est quelque chose auquel je pense toujours quand je bosse sur une pochette ou qu’un designer m’en envoie une :  « est-ce que c’est un disque vers lequel je m’orienterais si je le voyais dans les rayons d’une boutique ? »

Le son

Les membres d’Entracte Twist, réunis depuis 2014 autour de figures dispersées autour de Lyon et de Strasbourg, n’hésitent pas à citer Philip K. Dick (l’auteur américain, dont l’oeuvre d’anticipation a souvent été adaptée au cinéma, de Minority Report à Blade Runner, de Total Recall à Planète Hurlante) lorsqu’ils doivent évoquer les influences, littéraires, qui ont été les leur au moment de poser sur un papier les paroles de ce premier album. C’est osé mais en même temps, pourquoi nier que l’on est influencé par K. Dick, lorsque l’on est influencé par K. Dick ? D’autant que si l’on prête une oreille attentive aux compositions du groupe, et que l’on se souvient de « Christine Young », ce titre devenu 45 tours en 2016 et qui ouvre désormais le premier LP du quatuor (un morceau nommé en référence à une starlette du porno au faciès particulièrement juvénile), on trouve effectivement, chez ce groupe signé sur le très bon label Requiem Pour Un Twister, une fascination pour le virtuel un peu glauque et devenu, sans que l’on se rende vraiment compte, partie intégrante du réel. Les androïdes rêvent-ils de moutons électriques ? Allez savoir.

Entracte Twist (Facebook / Bandcamp)

François Grivelet (Site officiel)

Entracte Twist, Entracte Twist, 2019, Croque Macadam / Requiem Pour Un Twister, artwork par François Grivelet (photo) & Étienne Gimenez (layout), illustration par Audrey Matt-Aubert.