En Attendant Ana — Juillet
En attendant Ana, quelles possibilités a-t-on ? Eh bien les mêmes options, en l’occurrence, que s’il était question d’attendre Godot, ou n’importe qui d’autre : dans ce paysage chaud et estival qu’on nous propose ici, on peut se prélasser, avec dignité ou en abandonnant toute idée ponctuelle d’élégance, dans ce canapé vintage (doit-on simplement dire « usé » ?) qui ne s’est peut-être pas retrouvé là par hasard et qui orne la pochette du nouvel album de ce groupe nommé comme une pièce du théâtre de l’absurde (et en hommage, surtout, à la serveuse d’un bar qui mettait parfois un temps particulièrement long à exécuter ce pour quoi elle était rémunérée). Les pieds peuvent se balader sur ces tapis persans et troués étalés çà et là, les yeux s’orienter vers ces quelques images clouées au mur et qui n’évoquent pas grand-chose d’autre que le bizarre, et l’esprit, au calme, se projeter vers un ailleurs plus loin. Sans clôture, cela va de soi, les idées filent avec plus d’aisance et de marge de manœuvres.
À l’air libre
En attendant Ana donc, il y a cet espace, sans doute capturé pas bien loin de ce studio isolé dans la campagne francilienne dans lequel l’album a été fabriqué (chez Alexis Fugain, leader du projet Biche et producteur du disque), espace que l’on a plutôt l’habitude de retrouver entre quatre murs, et sous un toit, mais que l’on retrouve ici à l’extérieur des structures bâties par les humains. Le disque se nomme Juillet et dégage, via cet artwork très simple et très réussi, ces effluves si particuliers liés au mois le plus chouette de l’année — pour les salariés disposant de cinq semaines de congés et contraints de s’aligner sur les vacances de tous —, le mois où il est autorisé à ne rien faire ou du moins, de le faire sur un rythme moins élevé que le reste de l’année.
« J’ai tendance à considérer Juillet comme un voyage vers l’acceptation de certaines pertes ou disparitions, qu’elles soient celles d’amis, d’amour ou de rêves par le départ, la mort ou la désillusion, mais aussi et surtout un voyage vers l’acceptation de soi et l’indépendance » confiait récemment Margaux Bouchaudon (chanteuse et parolière du groupe) à nos confrères du magazine en ligne Soul Kitchen. D’où ce canapé entouré d’un mobilier fané, qui dit aussi bien l’absence de ce qui l’habitait jadis que la nécessité de trouver une présence pour l’habiter demain ? Juillet, c’était hier. Mais l’avantage avec le cycle permanent et indéboulonnable du temps, c’est que Juillet, ce sera également demain.
Le son
Juillet, le second album d’un groupe formé autour de cinq têtes (Margaux Bouchaudon, Camille Fréchou, Maxence Tomasso, Vincent Hivert, Adrien Pollin), reproduit avec talent ce qui avait déjà été proposé sur Lost And Found, un premier album paru en 2018 et qui offrait au son « pop garage à la française » l’un de ses plus talentueux représentants. Abrasif, d’abord (« Down The Hill »), avant de se faire plus détendu (il s’agit carrément d’une descente sur le très bon « When It Burns »), les titres qui composent Juillet ont mis six mois à prendre la forme qui est la leur aujourd’hui, et ont donc été servis par la production, experte et expérimentée, d’Alexis Fugain (Biche) et de Vincent Hivert. Du garage au soleil ; il y a la une idée à développer, et sans attendre qui que ce soit d’autre pour démarrer le voyage.
En Attendant Ana (Facebook / Instagram / YouTube / Bandcamp)
En Attendant Ana, Juillet, 2020, Trouble in Mind Records, 36 min.