Club Cheval x Études Studio – Discipline


Club Cheval x Études Studio – Discipline

« Il n’y a pas de liberté sans loi ». La formule, dictée par Jean-Jacques Rousseau au sein d’un siècle (celui des Lumières) qui devait profondément bouleverser les visions de « morale », de « liberté », et d’ «esprit critique » , pourrait aussi être associée à Club Cheval. En nommant son premier album Discipline, le super-groupe lillois regroupant quelques-unes des figures les plus percutantes de l’écurie Bromance – Panteros666, Sam Tiba, Myd et Canblaster – signifie en effet de manière paradoxale les barrières qu’il a été nécessaire de construire afin de pouvoir, ensuite, mieux les dépasser.

Discipline et liberté

 Sam Tiba, rencontré chez Warner (qui distribue les sorties de Bromance) : « On a décidé de partir, visuellement et textuellement, sur la thématique de l’ordre et du désordre, parce que l’on trouvait que ça représentait bien le beau bordel bien organisé que représente à nos yeux Club Cheval. La façon dont on travaille, dont on fait de la musique, les libertés que l’on se donne dans un cadre assez rigide mais flexible. Et la discipline, c’est quelque chose que l’on s’est imposé aussi bien pour faire cohabiter nos influences, qui musicalement et visuellement, sont très différentes ».

« La discipline est pour nous, ajoute Panteros666 (cheveux bleus, moustache, blaze de diable), c’est ce qui nous permet d’atteindre cette forme de liberté créatrice. On est quatre personnalités très indépendantes, et on n’a jamais abandonné ces personnalités pour le groupe. On les a juste fait cohabiter ».

Mao, Orwell & smartphone

Cette discipline, visuellement parlant, elle se trouve ainsi incarnée par une foule orwellienne homogène (tous les personnages sont en fait la même personne), portant les mêmes fringues (un col roulé sombre) et regardant dans la même direction, société nombriliste incapable de considérer une autre personne qu’elle-même (témoin : la pochette du single From the Basement to the Roof, où tous regardent une photo d’eux-mêmes sur leur smartphone). Dans cette foule, ou en tout cas sur la pochette du LP et de l’EP de remixes de Discipline, un visage se distingue. À peine. L’un tourne tout juste la tête, et l’autre desserre son col roulé. Rien de trop contestataire, mais tout de même. C’est l’incarnation de Club Cheval, partie intégrante d’une société dont ils manifestent une volonté de se détacher, ne serait-ce qu’un peu. En cela, et dans cette envie de pointer du doigt l’humain uniforme, on pense au travail effectué par l’agence allemande Pfadfinderei autour de l’identité visuelle de Moderat.

« Bien sûr, il y a un côté orwellien là-dedans, confirme Panteros666. Mais par contre, ce n’est pas du tout une critique de la société, du téléphone ou de je ne sais pas quoi. C’est plutôt : pointer une certaine uniformisation des comportements afin de mettre en avant le comportement qui, justement, sera un peu différent de celui des autres. Dans toutes les pochettes liées à cet album, il y a toujours une foule, et un mec qui fait un truc un tout petit peu différent. On dirait des photos de l’armée chinoise »

1984, mais révisé à la sauce Mao ? Pourquoi avoir choisi un Coréen pour incarner cette discipline contestée ? Sam Tiba : « À la base, on voulait un mec sans race, sans ethnie, et que l’on aurait rasé complètement jusqu’à lui raser même ses sourcils. L’homme du futur, l’homme nouveau, dont on imaginait qu’il serait toutes les races en même temps. Bien sûr, l’idée était un peu trop ambitieuse, et on a dû se résoudre à faire autrement. Alors Études Studio nous ont proposé une série de gars, dont celui qui apparaît sur toutes nos dernières pochettes, et on a trouvé qu’il avait une tête incroyable. Il s’appelle Rasalda Moon, c’est un étudiant en architecture coréen qui avait déjà posé pour Études – qui font d’habitude plutôt des fringues et de la direction artistique ».

Construire, détruire

« Au départ, ajoute Panteros666, on avait pas vraiment d’identité visuelle. Pas du tout même. C’était un peu pour faire chier tous les groupes qui se la racontaient qui faisaient genre on est cohérent visuellement parlant. On s’est juste dit qu’on ferait quelque chose de plus construit sur l’album. Mais après là on va tout détruire. On va abandonner notre enfant. Peut-être même que nos prochains albums n’auront même pas de pochettes en fait. C’est un truc que l’on exclu pas du tout ». « Ouais, il faudra tout détruire pour tout reconstruire », conclut Sam Tiba. Comme dans ces sociétés pas assez (ou trop) disciplinées finalement, que l’on mène à la perte afin de pouvoir véritablement se libérer.

Le son

« Nos concerts et notre musique, c’est mi Concrete mi Jason Derulo, l’hybridation poussée à l’extrême ». Dans la tête de Panteros666, comme dans celle de n’importe qui qui s’enfilera ce premier album du quartet lillois, c’est effectivement la sensation de pluralité et de très grand(s) écart(s) qui s’impose sur ce disque disque où les mélancolies et le chant R&B (« Youg Rich and Radical », « From the Basement to the Roof », « Other Guy ») se voient restructurés par des productions alternativement chill wave (« Nothing Can Stop Us Now »), trap (« Bells »), et house, sur le magnifiquement fédérateur « Discipline ». Comme les influences éparses de quatre cerveaux méticuleux regroupé ici dans le même corps.


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Club Cheval, Discipline, 2016, Bromance / Parlophone / Warner Music, 40 min. pochette par Études Studio