Cheveu & Group Doueh x Elzo Durt – Dakhla Sahara Session


Les trois Bordelais de Cheveu (Étienne Nicolas, Olivier Demeaux, David Lemoine), leur rock noisy, arty, new-wave, multiforme, qui rencontrent les Sahraouis de Group Doueh (le chanteur-guitariste Doueh, fou d’Hendrix, accompagné par femme, enfant et compères), leur blues crado, guitareux et humecté dans les terres toutes sèches du gigantesque Sahara : cela aurait pu être le croisement, hasardeux, de deux groupes partageant, l’espace d’une soirée à la programmation bien téméraire, la même loge d’une salle de concerts pas super bien organisée. C’est en réalité un projet, envisagé d’abord par José Kamal (cofondateur du Maroc Festival, directeur du Dakhla Festival, et grand connaisseur, par essence, des musiciens de l’Atlas et alentours), par Jacques Denis, et par Jean-Baptiste Guillot, qui se présente plutôt sous le pseudonyme « JB Born Bad », qui fait coïncider deux mondes que tout semblait pourtant opposer. Et dont le dialogue se traduit sur un disque, Dakhla Sahara Session (dont il faut lire la genèse, sur le site de Born Bad) ovni fabuleux constitué d’une matière que l’on avait alors, sur Terre, pas encore vraiment pu considérer.

Cheveu + Doueh + Elzo = fusion

Et qui de mieux, afin de faire cohabiter deux univers aussi complexes et lointains, que le talent d’Elzo Durt, l’un des illustrateurs en chef de Born Bad (Frustration, Le Prince Harry, Francis Bebey, La Femme…), qui fait justement fusionner, dès qu’il est question de faire appel à lui, deux mondes bien distincts : le sien, multicolore, impie et mystique, et celui du commanditaire, quel qu’il soit. Ici, c’est de JB dont vient la commande, car ni Cheveu ni Group Doueh n’ont vraiment d’idée pour l’illustrer, ce disque…

« JD m’a envoyé des photos de tissus de tentes sahariennes et m’a dit de réfléchir à une image », nous dit Elzo. « J’ai alors commencé à chercher des motifs, des trames qui correspondaient plus ou moins à ceux de Dakhla (ville dans le Sahara, d’où viennent les membres de Group Doueh), j’ai compilé ça avec des éléments plus Français.  J’ai travaillé de la même manière que d’habitude : en collage. C’est donc des éléments existants que j’ai bidouillé, assemblé et colorié. Je me suis inspiré, ou j’ai employé, ce que j’ai pu trouver… Je t’avoue que je ne m’y connais pas plus que ça dans les motifs ethniques. Mais JB m’a rapporté beaucoup de photos de choses qu’il avait vues là-bas. »

Elzo pioche alors dans les images, mentales et réelles, ramenées par JD, se renseigne aussi de son côté (« j’ai eu envie de comprendre où s’était passé cet enregistrement, de comprendre un petit peu le voyage qu’ils avaient fait et me nourrir de cet univers… »), mais s’en détache, aussi, assez rapidement. « Il fallait que je fasse attention à ne pas faire une pochette qui aurait été une mauvaise copie de leur art : le but n’était pas de faire une pochette de musique traditionnelle de Dakhla, mais bien d’illustrer ce disque ovnis qui rassemble ces deux groupes fantastiques et uniques. »

D’où l’ajout, sur cette tapisserie d’apparence sahraoui, de ces petites Tour Eiffel, discrètes mais bien présentes, là pour rappeler la nationalité de Cheveu, et pour compléter cette nouvelle pièce, singulière mais cohérente (les couleurs brûlantes, l’utilisation de motifs, la désacralisation du sacré) au sein du grand catalogue d’Elzo Durt, dont on pourra bientôt, à l’occasion de l’exposition Colors & Glory, admirer les travaux les plus iconiques, Galerie du Jour Agnès B (27 avril – 10 juin). 

Le son

Idée hautement improbable pour résultat hautement probant : le rock tout-terrain de Cheveu et le blues tout-sableux de Group Doueh s’assemblent, improvisent à moitié, et dialogue dans la langue de ceux qui savent assembler les notes et les mélodies progressives. Gloire au mélange, et au métissage sans frontières.

Cheveu (Facebook / Bandcamp)

Elzo Durt (Site officiel / Facebook / Mixcloud)

Cheveu & Group Doueh, Dakhla Sahara Session, 2017, Born Bad Records, 41 min., artwork par Elzo Durt