Cheatahs – Mythologies


Cheatahs – Mythologies

Si le Bristish groupe aux voix raisonnantes au loin et aux inspirations plutôt indie assoiffées de mélancolie s’était habitué à un code iconographique plutôt brute  (canyons brulants ou encore bichromie et haute saturation des couleurs), ici, c’est un tout autre parti prix. Celui de la structure, et de la démultiplication, hellénistique même, en parfait écho au titre de ce second album baptisé Mythologies. Une figure clairement féministe structurée par sept sœurs et par un écho qui joue entre empreintes du temps et propos actuels, fondue dans Freud, inspiré par Barthes sur l’empire nos mythes intérieurs.

Cheatahs - Cheatahs

Démarche plastique

C’est le groupe qui a volontairement choisit la pochette de l’album, moins fantasmagorique que la précédente ou tout du moins plus figurative – on se l’accorde – l’image a tout d’une « repro », et s’avoue même militante ! Pour preuve, Cheatahs a plongé dans les archives des Suffragettes, ou comprenez les membres de la Women’s Social and Political Union crée au début du XXe au Royaume-Uni, un visuel historique qui se date en 1913 et dont seule une partie de l’image a été scrupuleusement sélectionnée pour illustrer le titre de l’album, l’atmosphère (le décor !) néo-classique y étant pour beaucoup, et en lien évident avec le titre.

« Il est impossible de dire ce que l’image est, quand elle a été prise, ou pourquoi les personnages font ce qu’ils font. Cela pourrait-être un culte, un rituel de tout âge, elle est entourée de mystère. » Cheatahs, joint par mail.

Les sept, et interprétations

Les Seven Sisters jonchent, dansantes et éparpillées, sur les marches d’un Parthénon reconstitué aux colonnes doriques et dressées derrière un soleil aux confins, l’on s’en doute couchant. Leur nom (historiquement) : les Ergastines, ces jeunes athéniennes tissant pendant quatre années leur voile en offrande à la fille de Zeus, qui désormais semblent libérées de leur ouvrage. La mémoire des Suffragettes renaissantes, résonnance d’un cri retrouvé, alors musical. La promesse d’une fête enfin célébrée qui toucherait à sa fin derrière la sévérité de l’architecture dorique alors en contradiction avec la liberté touchante et virginale de ces jeunes filles, baignées dans la pénombre, disparates comme ivres bercées par la musique lointaine de Cheatahs (à l’imaginer).

Vers la lumière

Faster, faster, toward the light où le refrain d’une expressive pochette, bicromique encore une fois qui signe un leitmotiv pour l’historique iconographique du groupe. Derrière le vert froid, rien ne précipite le jour qui se lève mais qui se couche, pointant l’histoire d’une fin, se couchant et non sans tuer l’attendue couleur complémentaire c’est ce rose qui semble mourir au loin, effacé dans l’imaginaire vague et l’univers onirique qui caractérise l’ensemble du décor. Aucune transformation n’a été effectuée sur les couleurs de l’image, empreinte des techniques de développement de l’époque, comme une signature d’autrefois presque, la marque du temps mise en exergue et actualisée (si nous pouvons nous permettre) par Spencer at Petting Zoo Prints & Collectables, l’agence de design qui a mis en image ce projet.

« Mythologies, n’est pas seulement une référence aux anciens mythes, mais reflète également la façon dont chaque société s’invente ses propres mythes, même aujourd’hui, comment chacun de nous a ses propres mythes, personnels, son propre arc narratif ». Cheatahs.

Symbolique

Nos Seven Sisters signent une pochette parfaitement figurative, un propos en fable et une métaphore non moins sous-entendue pour cet album. Pour le groupe, l’expression d’une image antique mais pas seulement, tellement actuelle celle du XXe siècle, l’expression d’une « nature cyclique et répétitive de l’histoire, à la fois personnelle et culturelle. » En tout cas, Cheatahs travaille un univers visuel qui poursuit un sens (pour preuve et à découvrir ici) leur compte Instagram, trop méconnu encore qui réunit leurs pochettes, leurs inspirations graphiques avec cohésion et qui laisse le choix aux lecteurs d’images de s’amuser sans mesure entre musique et rêve, de faire ses propres choix iconographiques.

Le son

Mythologies, où une symbolique fortement inspirante qui tire son nom d’un recueil de Roland Barthes, sur la sémiotique et les mythes, visée psychologique inspirée par la « théorie » des souvenirs-écrans de Freud et symbiose immergeante en version technicolor qui s’appuie sur le shoegaze. Musique résonnante donc puisque les enregistrements ont eu lieu à la fois dans une église reconvertie de Ramsgate, au sein du studio du batteur Marc Raue, et dans les studios Chem 19. Impulsion lointaine pour un son qui mêle bien des inspirations, folk américaine, doux rock, enregistrée comme une musique lointaine, comme on aime à l’écouter au casque, voyage de guitare à travers les déserts arides.

Cheatahs (Site officiel / Facebook / Twitter / Instragram)

Cheatahs, Mythologies, 2015, Wichita Recordings / [PIAS], 50 min.