Chairlift x Rebecca Bird – MOTH


Chairlift x Rebecca Bird – MOTH

« Moth ». Le mot renvoie en Français à ces « papillons de nuit » (ou hétérocères) généralement actifs entre le coucher tardif du Soleil et l’aube aurorale. Êtres noctambules, proies favorites des chauves-souris dévoreuses d’insectes auxquelles elles échappent (parfois) grâce à des organes auditifs très développés, ils sont ces vampires inoffensifs sans dentition pour mordre dans les chairs des âmes endormies.

Dans la nuit, le papillon

MOTH, c’est aussi le titre donné au troisième album de Chairlift, et c’est l’image, qui porte en elle une poésie et une candeur certaines, autour de laquelle le duo new-yorkais (Caroline Polachefk et Patrick What) a choisi d’orienter sa nouvelle identité visuelle, soignant enfin une iconographie qui n’avait jusqu’ici rien de formidablement pertinent (une photo de bras dans les airs pour la pochette de Does You Inspire You, et une photo du duo, de trois-quarts, pour Something).

« On aimait l’idée du papillon de nuit comme métaphore de la vulnérabilité, disait l’an passé Caroline Polachefk à Pitchfork. Pour eux, il y a des risques partout, mais ils ne remettent rien en cause pour autant ». Insecte gracieux, insecte furtif, insecte fragile.

Apantesis Phalerata

Utilisé pour la diffusion des quatre premiers singles du duo – Cha-ching, Romeo, Crying In Public, Moth To The Flame – ce papillon nyctalope, dont le modèle originel appartient à la famille des Apantesis Phalerata (originaire, comme Patrick What, du Tennessee, comme précise le compte Twitter du groupe), il surplombe majestueusement, sur la pochette de l’album, une cité urbaine qui pourrait bien être la ville de New York (là où réside le groupe). Une cité, on le devine grâce au coloris du ciel, sur le point d’être plongée dans l’obscurité, laissant enfin loisir au papillon de sortir de sa tanière diurne, et d’effectuer comme chaque nuit son vagabondage nocturne.

Apantesis Phalerata

Apantesis Phalerata

Ce papillon, qui aurait tout aussi bien pu être le héros sensible issu d’un Miyazaki écolo et tragique, est en réalité issu du travail de l’artiste new-yorkaise Rebecca Bird, habituée aux représentations des espaces aériens occupés par des espaces volantes (à voir notamment, ses remarquables séries Other Taxonomies ou Natures Studies), et déjà auteure, il y a trois ans, de la peinture représentant le visage de Patrick What, insérée au sein de la vidéo chorégraphique de l’immense single « Amanaemonesia ».

Rebecca Bird - Heroes

Rebecca Bird – Heroes

Initialement composée en huile sur toile, et en deux pièces distinctes (d’un côté le papillon, et de l’autre le ciel urbain), le design de la pochette est signé par Caroline Polachefk elle-même, permettant à cet insecte-là de pouvoir exposer, enfin, toute sa beauté bizarre aux yeux du monde. Peut-être sont-ce d’ailleurs ses remerciements, langage étranger et inaccessible, que l’on entend au tout début du morceau « Look Up », qui introduit l’album, puisqu’il est avéré que certaines espèces de ces papillons de nuit disposent d’un organe leur permettant, même s’il s’agit d’ultrasons, de chanter, ou le dialogue imaginaire perpétrant le fantasme poétique lié à un être forcément romantique, puisqu’éphémère.

Rebecca Bird studio

Le son

Plus pop encore que ses prédécesseurs, MOTH vise effectivement, et comme les insectes nocturnes évoqués, ces animaux de nuit qui savent trouver sur les pistes de danse une bonne raison d’envisager la rédemption. En témoignent ce « Romeo » punchy et ultra efficace ou ce « Moth To The Flame » groovy et R&B, qui rapprochent les New-Yorkais, les miaulements syncopés en moins et la mesure en plus, des dernières productions de la punkette-pop Grimes. S’éveiller, s’envoler, danser.

Chairlift (Site officiel / Facebook / Instagram / Twitter / Youtube / Soundcloud)

Rebecca Bird (Site officiel)

Chairlift, MOTH, 2016, Columbia / Sony Music, 40 min., pochette par Rebecca Bird