Catastrophe x Antoine Henault x Yannick Levaillant — GONG!


« Regarde la vie comme elle est Et tu riras encore une fois  / Le temps de vivre et d’oublier / Que peut-être un jour on mourra ».

Catastrophe, « Les vivants »

Enregistré « avant mars », le nouvel album du groupe Catastrophe, une « comédie musicale » finalement appelée GONG!, sonne comme une réponse, une réaction (une récréation ?) à cette année si particulière qui est sur le point de s’achever, bien que ce disque-là ne fut initialement « pas du tout infusé du confinement et de l’atmosphère de 2020 ».

Senza tempo

Notre rapport aux réseaux sociaux (« On a tous des rapports assez ambigus avec les réseaux sociaux, une sorte d’amour-haine »), la vieillesse, la mort, la solitude, et au cœur du disque, une notion centrale : celle du temps. Qu’il soit perdu, gagné, gâché, dépensé, le rapport au temps de Catastrophe fait écho au couvre-feu, au confinement, au re-confinement. Hasard curieux, hasard… heureux ? Les textes qui parcourent le disque, surtout, résonnent, et d’abord pour ceux qui les ont composés, d’une façon totalement différente aujourd’hui. Pierre Jouan, membre du groupe, joint par téléphone :

« Je veux voir ton visage et faire la fête »

Catastrophe, « Les visages »

« On s’est rendus compte que plusieurs phrases de GONG! étaient assez prémonitoires. C’était assez troublant, d’ailleurs. C’est aussi le fait d’avoir vécu cette période qui fait qu’on entend les morceaux différemment. Il aurait peut-être résonné différemment si on avait vécu autre chose. Quand on écrit quelque chose, il y a plein de sens auxquels on n’avait pas forcément pensé, et qui se révèlent a posteriori, comme s’ils étaient cachés depuis le début. Il faut que les chansons vivent et que le temps passe un petit peu pour que certaines significations se dévoilent. Par exemple dans “Visages”, on répète comme une incantation “Je veux voir ton visage” et maintenant qu’on joue fasse à un public masqué, ça résonne complètement différemment, c’est assez fort. »

Tuer le temps

Cette réflexion sur l’idée même de « temps », elle était déjà présente sur le premier album La nuit est encore jeune (2018) mais pour Catastrophe, l’alchimie (et le brio ?) de GONG! se joue dans sa forme, une comédie musicale parfaite pour ces jeunes gens qui ont placé la pluridisciplinarité au centre de leur œuvre.

« Pour nous, c’est un fantasme qu’on avait depuis très longtemps. C’est vrai que cela exprime Catastrophe dans sa forme la plus parfaite. À tel point qu’on ne sait pas du tout ce que l’on va faire après ça. Parce que la forme de la comédie musicale, c’est un peu l’accomplissement de tout ce qu’on avait suggéré, tout ce qu’on avait esquissé. On a beaucoup tâtonné mais aujourd’hui on a trouvé un moyen de tout mélanger, à la fois, la danse, l’aspect visuel, la musique, les lumières. On a tout mélangé dans ce projet qui s’appelle GONG! »

La couleur des sentiments

L’histoire de cette comédie musicale ? Six personnages, six émotions, qui essayent d’arrêter le temps. Six membres, six personnages et six émotions dont chacune est représentée par une couleur. Le jaune pour la foi. Le vert pour l’ennui. Le mauve pour le regard. Le bleu pour l’inquiétude. Le rose pour le rire. Le rouge pour la colère. Et cette palette de couleurs, on la retrouve sur la pochette de l’album, les six membres de Catastrophe y prenant une pose, penchés en arrière comme des fleurs cherchant le soleil.

La photo, prise par Antoine Henault, a comme cadre le parc naturel du Vexin, en région parisienne. « On voulait quelques choses d’extérieur, pas champêtre mais avec de l’horizon et de la nature. On voulait vraiment les six couleurs dans un grand horizon naturel comme des taches de couleurs. On voulait jouer sur nos positions, entre un état naturel très brut et des costumes assez fantaisistes et sophistiqués », décrypte Pierre Jouan

« Bruts », « fantaisistes », « sophistiqués ». Trois adjectifs parfaits pour définir le groupe Catastrophe. Leur soif d’expérimentation, leur envie de liberté et la rigueur foutraque qui se dégage de GONG!, un disque qui  aurait pu être complètement différent. À la base il devait en effet raconter l’histoire… de méduses. Un animal surprenant car « ce sont des animaux qui existent depuis des milliers d’années, et ce qui est assez drôle c’est que les méduses prolifèrent avec le réchauffement climatique. Elles nous précèdent et nous succèderont » raconte Pierre Jouan. Toujours avec ce rapport au temps en toile de fond « C’est une obsession inconsciente. On retombe toujours sur les mêmes thèmes et les mêmes idées. ». Au point de finir, avec le temps, d’avoir l’impression de le maîtriser ?

Catastrophe (Site officiel / Facebook / Instagram / YouTube / Twitter)

Catastrophe, GONG!, 2020, Tricatel, 44 min., artwork d’Antoine Henault (photo) et Yannick Levaillant (layout).