Bruce Brubaker x Devin Doyle — Eno Piano


Après l’hommage rendu en 2015 à Philip Glass (Glass Piano, sur le label InFiné Music), le pianiste américain Bruce Brubaker s’est penché cette année sur la carrière d’un autre grand ponte des musiques ambient, expérimentales, symphoniques, en la personne de Brian Eno. C’est tout particulièrement à l’album Ambient 1 : Music for Airports qu’il s’intéresse ici, disque considéré comme l’un des premiers édifices de la musique dites ambient composé en 1978 par Eno afin de permettre aux personnes, un brin stressées par la perspective du vol en avion, de se détendre.

Brubaker piano

Ambient 1 : Music for Airports fut initialement créé par le biais de techniques de studio et de boucles de bandes magnétiques. Mais aurait-il, plutôt, pu être composé au piano ? Ce fut la question initiatique de Brubaker au moment de se lancer dans ce projet ambitieux, quasiment iconoclaste, qui occupa le pianiste au cours des derniers mois.

Bruce Brubaker © Kevin Doyle
Bruce Brubaker © Devin Doyle

Revisiter Music for Airports au piano, qu’est-ce que cela implique techniquement ? « Sur le plan sonore, le disque est une combinaison du jeu de Bruce au piano et de sons de piano produits à l’aide de nouveaux ‘archets’ électromagnétiques qui font vibrer les cordes à l’intérieur du piano, créant ainsi des harmoniques ou des vibrations plus complexes et colorées », lit-on dans un communiqué de presse qui résume bien l’affaire.

Le visuel qui illustre le disque, lui, n’est pas lié à l’album susmentionné d’Eno, mais plutôt à l’hommage que rendait, il y a huit ans, Brubaker à Glass.

Horizon

Sur Glass Piano, dont la pochette était alors tirée d’une très belle photo de Timothy Saccenti, on voyait Brubaker de profil marcher vers un horizon non visible. La démarche assurée et détendue de quelqu’un qui sait où il va. Aujourd’hui, sur la photo qui accompagne Eno Piano, la démarche est quasiment la même, à tel point que certains parlent même des deux albums comme des « compagnons ». Ce visuel-là est signé par le photographe Devin Doyle et le shooting a été effectué à New York devant le monument hommage à Franklin Roosevelt conçu par Louis Kahn. Sur la pochette de Eno Piano, on voit Brubaker marchant, le buste droit, jusqu’au bout de Roosevelt Island.

« Dans les deux images », approuve Bruce Brubaker, joint par mail, «  je marche avec un but précis. Sur le plan tonal, ils sont liés et comprennent des éléments architecturaux ‘‘minimalistes’’ assez simples dans les deux cas ». Mais s’il y a bien une connexion entre les deux images, « aucun de nous n’y a pensé avant de revoir les photos de la séance photo. »

Bruce Brubaker © Kevin Doyle
Bruce Brubaker © Devin Doyle

Une connexion que le pianiste juge « accidentelle » mais qui témoigne de « [sa] relation à la musique et [sa] relation à la musique de Brian Eno ». « De Brian Eno, je m’approche obliquement. Ma présence est certaine, mais elle est légèrement cachée. », résume-t-il, précisant le sens qui peut parfois être celui des pochettes qui accompagnent les disques de ce musicien qui intellectualise parfois les actes… et les laisse parfois se produire d’eux-mêmes.

« Les pochettes de disques peuvent être très importantes », affirme-t-il. « En particulier lorsqu’ils transmettent quelque chose de fondamental à propos de la musique, ou s’ils suggèrent visuellement des concepts ou des connexions dans le contenu ou le processus musical. Parfois, cela peut être simple. Pour un album intitulé Hope Street Tunnel Blues, une photographie du tunnel de Hope Street à Rhode Island a été utilisée. Parfois, les références sont beaucoup plus ambiguës. Pour mon album Codex, une illustration non photographique a été créée qui suggère des processus artistiques d’élaboration ou des multiples lectures d’un texte. Les idées viennent de nombreux endroits ». Et atterrissent dans beaucoup d’autres.

Bruce Brubaker (Site officiel / Instagram / Twitter)

Bruce Brubaker, Eno Piano, 2023, InFiné Music, photo de Devin Doyle.