En France, en Europe, dans le monde entier, nombreux sont ceux qui ont été confrontés (et qui le sont encore…), durant l’année qui vient de s’écouler, à un enfermement contraint et forcé. Il y avait, et il y a toujours, un virus mortel dehors alors, pour tous ceux qui le pouvaient, c’est un confinement qui a été ordonné par les autorités autorisées à prendre ce genre de décisions. Tout le monde à la maison.

Confinés

Le confinement, tous ne le vécurent pas de la même manière — le constat n’a échappé à personne. Confinement dans un logement délabré, dans un logement trop petit, dans un logement qui ne sent pas bon, dans un logement très grand et qui sent les bougies d’intérieur, dans un logement vraiment classe mais toujours délimité, au final, par quatre murs et un toit… Prison dorée, prison quand même ?

Pour certains humains solitaires et casaniers, l’opportunité était belle et offrait, pour ainsi dire, une bonne raison de justifier le fait que l’on préfère rester calmement chez soi, plutôt que d’en sortir. Mais pour les humains plus sociaux, hyperactifs, tentés sans répit par l’attraction du dehors, effrayés par l’idée qu’au-delà des murs de leurs logements, le monde continue à tourner sans qu’eux y participent, pour ceux-là, le confinement qui gagna la planète (en France, ce fut au mois de mars) fut vécu comme un calvaire absolu.

Les membres de Born Idiot furent-ils de ceux-là ? L’artwork qui accompagne la sortie de Full Time Bored, un disque enfanté, justement, durant ce confinement et dont le titre suffit à tout résumer — il y réside l’idée d’ennui total… — tend à le confirmer. « Le thème de Full Time Bored touche les 7 milliards d’être humains sur Terre car il est représentatif de nos vies à tous », résume Lucas, le chanteur de Born Idiot. « Un titre qui symbolisait bien l’état d’esprit que j’avais lors de la composition de ces titres ». On s’ennuie ? On compose. Et on finit par en faire quelque chose, de ce temps, finalement, pas exclusivement consacré à l’ennui en règle et en série.

Camille Le Treust, qui officie sous le nom de 1000rouges lorsqu’il s’agit de mettre ses talents d’illustratrice et de graphiste au service des autres et au service d’elle-même, et qui « imagine et conceptualise » l’univers de Born Idiot depuis le lancement du projet (le premier disque du groupe, Chillhood, sortait en 2015), a donc imaginé une maison à partir de ces mots, Full Time Bored, et dessiné ce lieu de vie où l’ennui est souvent notre plus grand ennemi.

Le temps est ainsi suspendu dans les nuages, bloqué un instant entre évasion et prison…

Camille Le Treust

Camille, à propos de ce visuel qui rappelle les architectures des maisons pour enfants, où un seul côté a été bâti pour que les enfants puissent jouer avec la maison qui leur a été achetée. « Les pièces s’emboitent comme un Tetris pour former une maison qu’on pourrait retrouver dans un jeu de simulation. Inspirée par le vide et l’ennuie d’un premier confinement, d’une ambiance actuelle où chacun ne sait plus s’occuper et ne se contente plus de l’essentiel. Entre les pièces, on se questionne sur la place de l’ennui, de l’attente, des souvenirs. Le temps est ainsi suspendu dans les nuages, bloqué un instant entre évasion et prison… »

De cette maison, chaque single est devenu une pièce, chaque single est devenu un petit ennui contrarié en soi. Ici, une bibliothèque a éjecté de son moi les livres qu’elle devrait pourtant, si la normalité était respectée, contenir. Là, un renard a profité d’une ouverture de l’extérieur vers l’intérieur pour se faufiler dans la cuisine, ouvrir le frigo, voir si quelque chose de comestible pouvait s’y trouver. Là encore, un clavier (celui utilisé pour composer et interpréter les accords de ce disque ?) voit le sol sur lequel il est jonché parcouru par une grande flaque d’eau et surtout… par un bras, étendu sur le sol, sans doute issu (ou alors, ce serait plus inquiétant encore…) du même corps qu’est issue la jambe que l’on aperçoit, dans le fond, dans la pièce aux livres étalés sur le sol. L’ennui total du confinement fut donc si douloureux qu’il ait fallu, pour certains, céder à la tentation de l’ennui qui se confond avec le grand vide ?

Le son

Composé à un moment où le temps permettait de le faire, durant le confinement de ce printemps, ce second album du groupe Born Idiot « exprime un besoin d’évasion du monde moderne et cherche à revenir à l’essentiel ». L’intention est pop (versant nostalgique, avec groove doux, synthés lancinants et un chant qui revendique clairement celui du New-Yorkais Julian Casablancas), le sujet rendu universel par les méandres de l’actualité sanitaire, et le résultat absolument efficace. On y parle d’ennui en proposant, en guise de remède miracle, le retour des pensées dans des contrées anciennes, celles que l’on enrobe sous le voile de la nostalgie qui ne fait pas trop mal mais qui plutôt, fait un peu de bien. Ressasser hier, pour mieux reprendre la route demain ?

Born Idiot (Facebook / Twitter / Instagram / YouTube / Bandcamp / Soundcloud)

Born Idiot, Full Time Bored, 2020, Géographie, 40 min., artwork de Camille Le Treust (1000rouges)