BIGGER x Jenny Calinon (Atelier Rouge Poisson) — Les Myosotis


Depuis une dizaine d’années, le duo Rouge Poisson Jenny Calinon et Amandine Maillarbaux — œuvre, dans le Jura, dans le Doubs ou ailleurs, à la fabrication d’identités visuelles qui l’ont notamment vu accompagner depuis une décennie — en ce qui concerne la musique, car les autres projets sont nombreux — le festival de La Paille (à quelques encablures de la frontière suisse). « Rouge Poisson offre ses services en graphisme, illustration, motion design et direction artistique« , résume le site internet du duo qui a aussi pris le temps, récemment, de travailler aux côtés du groupe BIGGER, groupe, lui aussi, d’origine franc-comtoise.

BIGGER © Francois Guery

BIGGER donc, quintet au chanteur anglo-saxon — pour chanter en anglais avec la voix proche de celle d’Alex Turner, c’est tout aussi bien —, auteur d’une pop alternative et classieuse, tendance northen soul, baignée dans des influences, orientales, latines, cuivrées, et qui milite pour un « assemblage de pop gainsbourienne, de culture anglo-saxonne, d’énergie rock, de langage cru et de poésie libre« , lit-on dans un communiqué de presse qui cale les bons mots aux bons endroits.

Un projet dans lequel Rouge Poisson a mis une implication telle que le tandem nous a livré cette note d’intention, ultra complète et ultra précise, que nous retranscrivons intégralement.

Atelier Rouge Poisson — note d’intention

BIGGER, c’est une collaboration artistique depuis le lancement du groupe, mais c’est aussi une histoire d’amitié forte qui s’est développée et consolidée au fil des années.

Une illustration traduisant du beau, du mystérieux, mais aussi de la noirceur et de la solitude.

Jenny Calinon

Pour la création du visuel de couverture, nous avons passé un certain temps à écouter les morceaux ensemble, mais aussi à parler des inspirations du groupe et à rentrer dans l’intimité de chacun des titres. Les musiciens évoquaient alors des sonorités orientales, des voyages, des paysages, les différentes origines qu’ils portent et les construisent. Et c’est avec chacune de ces briques que s’est construite l’idée d’un palais perdu au milieu d’une immensité. Une illustration traduisant du beau, du mystérieux, mais aussi de la noirceur et de la solitude. Les inspirations architecturales sont multiples et font écho aux mélanges culturels dont témoignent les morceaux. À l’image de leur musique, j’avais envie de retranscrire une première impression massive, suivie d’une seconde lecture plus fine et dentelée. 

Pour l’ensemble de l’artwork, je voulais également faire ressentir une présence et créer une intimité dans ce décor habité, sans toutefois représenter de personnage humain. Le vivant prend corps dans les plantes et les animaux (présents sur les étiquettes du disque et dans les illustrations de la sous-pochette). 

On ne sait pas ce qui vit là, ni ce qui nous attend si on pénètre dans cet empire. 

Chaque morceau racontant sa propre histoire, j’ai réalisé une illustration pour chacun d’eux. Cette série de dix images renforce l’aspect narratif de ce disque. 

L’ouverture du disque se présente donc comme l’entrée dans le palais. Vont alors défiler, au fur et à mesure des titres, une série d’illustrations à valeurs symboliques, comme une galerie d’icônes. Chaque image est inspirée de références multiculturelles, de mythes bibliques et antiques. 

Vampire Thirst — Pour le premier titre, j’ai utilisé un élément architectural pour figurer l’entrée dans le palais et la continuité avec la couverture. La fontaine, comme symbole de cycle, de recommencement sans fin, figure ici une soif jamais étanchée, la soif obsessionnelle du vampire dont il est question dans ce titre.

Salty Tears — Cette illustration est un clin d’oeil à la jarre et sa présence dans la mythologie grecque, dans laquelle elle est associée à Pandore. La jarre, ou boite de Pandore, renferme tous les maux de l’humanité. Ici, ce sont les larmes qui se conservent et s’accumulent dans cette jarre, comme l’en- tassement éternel de ces émotions indélébiles.

Infectious joker — On parle ici de tentation, de bar, d’alcool, de cercle vicieux. Le serpent qui d’ordinaire est poison, ici s’empoisonne. 

Les Myosotis — Cette chanson parle d’espoir et d’un amour profond. Le paon, dont les plumes tombent puis repoussent au printemps, est un symbole de renouveau et de résurrection, dans l’art chrétien notamment. En Inde, il incarne l’immortalité. Dans le palais des Myosotis, il est le premier à apporter une sensation paisible. 

Even with lies — Les faux-semblants et le mensonge sont les thèmes de ce titre. Le masque symbolise la personne que l’on cherche à cacher, ou à la vérité que l’on tente de dissimuler ou transformer.

Life — Ce morceau traite de la fragilité de la vie. Le symbole de l’arc est ici utilisé en référence à ce qui peut nous blesser, mais aussi nous protéger. Il renvoie à Achille, à la force et à la vulnérabilité. 

The Game — Cette image figure, par le château de carte, un jeu d’une grande fragilité mais dont l’ascension peut être infinie. 

Freaky face — Le miroir est souvent représenté comme reflet de l’âme, comme symbole de vérité. Ce miroir brisé renvoie au caractère dévastateur de la femme malveillante évoquée dans la chanson. 

Fucked up paradise —Cette illustration fait référence au moment où Ève s’apprête à cueillir la pomme. C’est à cet instant que selon le mythe biblique, tout bascule dans le « fucked up paradise » dont nous avons hérité. Cette image parle des choix et de leurs conséquences.

Brother — Si la balance est associée à la justice, elle est ici symbole de dualité et de stabilité. Le double, ici un frère, apporte une harmonie. Mais c’est aussi un symbole de doute et de fragilité, car le plus petit poids peut ébranler cet équilibre.

BIGGER (Site officiel / Facebook / YouTube / Instagram)

Atelier Rouge Poisson (Site officiel / Facebook / Instagram)

BIGGER, Les Myosotis, 2022, Upton Park, 43 min., artwork de Jenny Calinon (Atelier Rouge Poisson)