Beach House x Post Typography – 7


Le titre est sobre : 7, pour un septième album. La décision rappelle, entre autres, celle de Moderat et Badbadnotgood, de nommer leurs albums par ordre de parution. Pourtant, la démarche de Beach House pour ce nouveau disque n’a rien de simpliste, ni de paresseuse. Même si, à l’inverse des groupes susnommés, le duo de Baltimore n’a pas pour habitude d’appeler sommairement ses albums, le choix du titre n’est pas anodin.

Dans un communiqué publié par le label Sub Pop, le groupe expliquait que la sortie en 2017 de B-sides and Rarities, compilation de morceaux et versions pour la plupart jamais dévoilées, avait été l’occasion d’une première rétrospective. Après treize ans de tournées et 77 (tiens tiens) titres à leur actif, Victoria Legrand et Alex Scally, têtes pendantes de Beach House, annonçaient alors vouloir prendre un nouveau départ.

L’occasion, avec 7, dont le design rappelle d’ailleurs le chiffre 1, de renouveler un processus créatif, qui avait jusqu’ici fait ses preuves, tant au niveau de la qualité que de la productivité, en témoignent les albums Depression Cherry et Thank Your Lucky Stars, tous deux parus en 2015.

En revenant sur une solide discographie, tout en s’émancipant des contraintes de performance live, pour privilégier l’essor d’un esprit créatif puisant dans l’actualité, le groupe semble prêt à livrer un album à mi-chemin entre ses anciennes productions et une fraîcheur nécessaire. Volonté parfaitement résumée par un artwork tout en collage, au format patchwork.

Féminisme et libertés

Tout semble graviter autour du visage, peut-être celui de la mère de la chanteuse, qui apparaissait déjà sur la couverture de Thank Your Lucky Stars, dont l’artwork était d’ailleurs réalisé par l’agence de design Post Typography, également à l’origine de la couverture de 7. D’indescriptibles bribes, comme des souvenirs, de bâtiments, paysages et détails, composent l’image ; altérée, pour certaines, par des mosaïques psychédéliques, reprenant l’identité visuelle des clips qui accompagnent les singles Lemon Glow et Dive.

Plusieurs de ces morceaux représentent des détails de visages féminins, dont l’oeil clos (en haut à gauche) et la bouche (à droite), qui semble crier. Il ne s’agit définitivement pas d’une référence à la musique calme et lente du groupe, mais plutôt d’un renvoi aux mouvements féministes des dernières années. Une source d’inspiration dont Beach House ne se cache pas, en parlant, toujours dans leur communiqué, de ces mouvements sociaux comme d’une source de questionnements et d’inspiration, pour l’énergie de l’album et des paroles. L’idée se retrouve dans le second extrait de 7, « Dive » (et probablement dans le morceau « Girl Of The Year », présent sur la tracklist), dont le chant fait référence à la question de la communication dans le couple.

La figure de la femme semble donc être au coeur du disque, ce qu’illustre cette tête sans visage, à laquelle toutes peuvent s’identifier. Un procédé qui rappelle l’artwork du début d’Exploded View, mêlé au collage réalisé par Frank Lebon pour le groupe anglais Mount Kimbie.

Mais l’image compte d’autres clichés, aux significations toutes mystérieuses. L’exhaustivité, cette présence presque trop envahissante d’images, est probablement signe de liberté, celle dont a bénéficié le groupe pour la production de 7. Lassés des dictats de l’industrie musicale, Victoria Legrand et Alex Scally disent avoir eu la chance de composer à leur rythme et de briser les barrières qu’ils avaient fini par se poser eux-mêmes. De quoi s’attendre à un album plus compliqué, ou au moins plus complet, d’autant que celui-ci a été conçu en plusieurs sessions, dans un studio « maison ». Le surplus d’images de l’artwork laisse paraître la couleur du fond, d’un gris métallisé, comme un support présent depuis les débuts de Beach House : peut-être celui de leur genre, d’un rock éthéré dont les limites sont constamment explorées. Cette couleur qui s’impose au premier plan, déchirant le visage de l’inconnue, comme pour signifier un retour aux sources.

Le son

La discographie de Beach House ne connaît pas de virage majeur, tant sa musique évolue constamment dans le même registre. Les mélodies mélancoliques et éthérées du groupe ont un charme qui ne perd jamais sa saveur, et la règle s’applique aux premiers extraits de 7. Paru le jour de la Saint-Valentin, « Lemon Glow » rappelle la production de « Bloom », avec les rifs saturés d’Alex Scally s’ajoutant au synthé vivace de Victoria Legrand, préférant la boîte à rythmes à une traditionnelle batterie. « Dive », quant à lui, se veut beaucoup plus lent et progressif, les guitares, aux frontières du shoegaze, prenant le pas sur des nappes de synthés atmosphériques, à la manière de Slowdive.

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Beach House, 7, 2018, Sub Pop, artwork by Post Typography