Bathory x Kristian Wåhlin — Nordland II


Tous les mois, Néoprisme donne la parole à un journaliste extérieur, qui nous parle d’une pochette d’album d’hier, culte pour le grand monde ou simplement pour l’intime de celui qui l’analyse. Aujourd’hui, la parole est à Simon Théodore de The Naked Society, qui scrute pour nous la pochette de Nordland II de Bathory, réalisée par Kristian Wåhlin

Bathory x Kristian Wåhlin – Nordland II

Évoquer l’iconographie dans la musique métal était une évidence pour le jeune passionné que je suis. Parmi les centaines de disques rangés dans des boites à chaussures de récup’, il fallait en trouver un avec une pochette qui parle, qui me fasse parler, ou plutôt écrire. Il aurait été trop facile d’en sortir une d’une violence et d’une morbidité sans équivoque. Par conséquent, je me devais de trouver autre chose pour éviter de tomber dans le cliché du métalleux gothique, adepte de messes sataniques. Le choix ne fut pas simple et, après maintes hésitations, il se porta sur l’illustration de l’album Nordland II, du groupe suédois Bathory, réalisée en 2003 par Kristian Wåhlin.

Une fois le disque inséré dans ma chaine, cette décision portait tout son sens. Il n’était plus question de parler de musique ou de dessin mais bien d’ambiance. Cette pochette est une invitation à un voyage dans l’immensité des paysages scandinaves et la splendeur de sa nature. Il s’en dégage une incroyable sérénité. Seulement voilà, la musique s’extirpe à présent des enceintes, le son englobe la pièce et les montagnes deviennent le symbole de la puissance dégagée par la musique de Bathory. La voix de Quorthon transporte dans les couloirs du temps, pour un périple fait de grandes chevauchées sur les terres des anciens dieux. Second volet d’une œuvre magistrale qui devait en compter quatre, une ambiance guerrière teintée de nostalgie imprègne ce monument épique.

À présent, l’orage, grondant depuis les baffles, laisse place à de magnifiques arpèges pour l’introduction du titre « Flash of the Silverhammer ». Ce moment d’accalmie me laisse le temps de faire ma sélection d’images et je me laisse emporter par l’univers de Kristian Wåhlin. Né en 1971, ce Suédois participa, en tant que musicien, à l’émergence de la scène metal extrême nordique au début des années 1990. Il se fit surtout connaître grâce à ses illustrations pour de nombreux groupes, parfois incontournables du genre (Bathory, Dissection ou encore Emperor).

De toute évidence, l’artiste aime les couleurs froides. Cette froideur, c’est celle des longues nuits d’hiver rythmant la vie du Nord. Il nous transporte dans ces contrées enneigées, peuplées d’êtres fantastiques et mythologiques. La faucheuse de Dissection rappelle le triste destin que connut Jon Nödtveid. Le héros d’Ensiferum, épée et bouclier à la main, est solitaire. Il fixe au loin, vers un passé idéalisé. Comme s’il était tout droit sorti de l’épopée du Kalevala, il est prêt à combattre les méfaits de la modernité. Il s’agit alors du respect de la nature, du culte des ancêtres et de faire revivre les anciennes légendes. Celui qui regarde attentivement ces pochettes se retrouve happé par l’horizon. À chaque fois, c’est cette même montagne qui appelle. Elle incite à un voyage dans les profondeurs de l’âme, à une quête pour échapper à ce monde en train de chavirer. Bref, la musique et la peinture sont autant d’objets procurant du rêve, du vertige et de l’émotion.

Lorsque l’on me proposa d’écrire ces quelques lignes pour Néoprisme, il était question que je retrace mon histoire de Bathory. De l’album éponyme à Nordland II en passant par Hammerheart, tant de disques ont été orchestrés, d’une main de maître, par le génie de Quorthon. Certains marquèrent l’histoire du metal, d’autres non. Certains marquèrent mon histoire, d’autres non. Ce n’est qu’en entendant résonner les notes de « Ring of Gold », sur Nordland I, que je réalisais que je m’étais levé, sans même m’en rendre compte, pour changer de disque. En fait, il y avait trop de choses à dire et à penser sur une seule pochette, un seul groupe. Je conclurais simplement en invitant, celui ou celle qui m’aura suivi jusqu’au bout, à admirer l’ensemble des pochettes de Bathory et à goûter aux charmes des nombreux imaginaires déployés par la musique de la formation. Les notes du titre « Bond of Blood », issu de Twilight of the Gods, accompagneront mes derniers mots résumant ma motivation à écrire ces quelques lignes. In Memory of Quorthon (1966-2004).

Bathory, Nordland II, 2003, Black Mar Prod. / B. Forsberg, 62 min., pochette par Kristian Wåhlin

Simon Théodore