Bafang x Adèle Mahé — Elektrik Makossa


Deux frères (Enguerran le batteur et Lancelot le guitariste), un projet mené ensemble (Bafang), un pays en guise de toile de fond mentale (le Cameroun, terre de leurs grands-parents), quelques voyages pour se le représenter un peu mieux, et un album pluriel et azimut qui rend hommage à ces racines mêlées à d’autres (celles, plus culturelles, qui mènent à la musique rock), avec le makossa, la musique la plus généralement assimilée au Cameroun (l’immense Manu Dibango, camerounais lui aussi, en est incontestablement la meilleure incarnation) au centre du propos. Voilà Bafang, cocktail groovy, rock, afro, qui diffuse les bonnes ondes partout où il est possible de le faire, et qui fait paraître son Elektrik Makossa.

Bafang © Franck Blanquin

Le projet est éminemment positif — il s’agit ici de célébrer un passé et une culture auxquels il était temps, pour le duo, de rendre hommage — et l’identité visuelle qui accompagne la sortie de cet album de Bafang (le nom est tiré du village dont sont originaires les grands-parents d’Enguerran et de Lancelot) devait l’être également.

C’est la wax

C’est Adèle Mahé, graphiste aux intentions visuelles « très vintage, rétro [qu’elle] cultive depuis un certain temps », qui a d’abord travaillé sur le projet un peu par hasard — elle est d’abord graphiste en alternance chez Soulbeats Records, le label de Bafang, et doit gérer en urgence l’identité visuelle du 45 tours éponyme Bafang — qui est désormais responsable de ces images liées au projet musical d’Enguerran et de Lancelot. Des images, intimes et universelles, qu’elle raconte.

« J’imaginais un projet très coloré, vintage, mettant en avant le mélange culturel des deux frères. L’idée était de créer un visuel dans la continuité de l’identité déjà existante, qui plaisait au groupe.

J’avais comme première idée de mélanger le visage des deux frères, en collage avec des éléments iconographiques, symboliques du Cameroun. Inspirée notamment par le cadavre exquis du Red Bull Music Festival. Mais le groupe ne souhaitait pas avoir leur visage sur la pochette.

J’ai fait une première proposition qui reprenait le motif de l’EP, en retravaillant la typographie, les couleurs. Mais Soulbeats souhaitait voir également quelque chose de différent.

J’ai donc réécouté « Ibabemba » à peu près 15289 fois et je notais sur un carnet en parallèle les images que j’avais en tête en écoutant cette musique. Le groupe avait également envoyé des photos de leur voyage au Cameroun ce qui m’a permis de m’immerger entièrement dans leur culture.

Pour moi la technique du collage se prêtait parfaitement au projet et à l’idée que je me faisais du groupe, alors j’ai souhaité mixer tous les éléments entre eux.

Mon inspiration vient également du travail d’Hannah Höch, et ses collages humoristiques. Mais aussi des clips alliant dessins, collages, textures de Lonewolf, un jeune graphiste, réalisateur.

J’ai fait une première proposition avec beaucoup d’éléments, puis on a affiné ensemble, et j’ai proposé la pochette finale.

Pour moi elle représente l’explosion des sonorités, l’énergie du groupe, la culture camerounaise. Quand on écoute Bafang on est immergé dans un univers et c’est ce que je souhaitais retranscrire dans cette pochette. Toutes ces couleurs représentent le côté culturel mais aussi un peu décalé de leur afro rock, le grain de l’image est travaillé pour l’effet vintage.

Un album, et des singles

Une fois l’artwork de l’album réalisé et validé, il a semblé judicieux d’exploiter cette identité visuelle au maximum, la pochette renvoyant une image efficace, forte, dynamique au-delà de sa simple qualité esthétique et artistique.

La décision de décliner les artworks singles à partir de cette « pochette mère » s’est alors imposée, les éléments camerounais présents sur le visuel pouvant être isolés et mis en valeur un à un au fil des singles.

La mission de déclinaison a été confiée à une nouvelle graphiste, Yoline Croissant. C’est ainsi qu’est tout d’abord né International Makossaqui a premièrement mis à l’honneur la représentation camerounaise bamileke du Njounjou, l’équivalent du jnoun au Maghreb ou de l’esprit malin type diable ou mauvais esprits en Occident, les trolls en Scandinavie, etc.

Pour le deuxième single Mounaye, le choix s’est porté sur la case (dite « case obus ») traditionnelle camerounaise bamiléké.

Le troisième single Ngo Mee arbore quant à lui les masques bamiléké, utilisés lors de fêtes traditionnelles.

Afin d’inscrire les singles dans une certaine continuité esthétique de la pochette de l’album tout en les démarquant les uns des autres et leur donnant une identité propre, il a été décidé de modifier les couleurs de fond de chaque artwork. Ce choix de couleurs n’a pas été laissé au hasard : chaque fond se réfère à une série de photographies du groupe, utilisées pour la promotion auprès des médias et du public, le fond violet d’International Makossa rappelant le fond violet d’une première série de photographies, le fond rouge orangé de Mounaye rappelant le fond rouge d’une deuxième série etc. »

Le son

Très libre et très ouvert, le rock de ce duo fraternel pointe vers l’afro-funk, le blues (du désert, celui qui parcourt une partie du Mali), et bien sûr le makossa. C’est comme si Manu Dibango (l’artiste camerounais auteur du célèbre Soul Makossa en 1973) avait durcit un poil ses guitares et décidé de se rapprocher un tout petit peu plus de Led Zeppelin, proposant alors une nouvelle fusion qui mettrait une nouvelle fois la plus belle des idées en exergue : celle du métissage total qui donne naissance à une manière nouvelle de pouvoir s’exprimer.

Bafang (Facebook / Instagram / YouTube / Bandcamp)

Bafang, Elektrik Makossa, 2020, Soulbeats Records / Music’Action Prod, artwork par Adèle Mahé