Apollo Noir – Weapons Remixes


Apollo Noir – Weapons Remixes (2021)

Weapons. Armes. Attention danger, pas bon. C’est le titre en trompe-l’œil d’un disque qui ne vous veut (a priori) pas que du mal. “Choisis ton arme”. “Tue-les tous”. “Arme de destruction massive”. “Couteau”. “Adieu”.  Pas que des good vibes à premières vues dans les titres de ce disque dans lequel suinte un air de confinement trop prolongé entre quatre murs et un toit sans trop de fenêtres pour y faire rentrer la lumière. 

Apollo Noir © Clement Moussiere

Le reflet de la lame

Quelques mots-clés apparaissent dans la bio qu’Apollo Noir (le pseudo gothique de l’Auvergnat Rémi Sauzedde) laisse traîner sur Bandcamp, comme s’il s’agissait de se justifier d’un crime pas encore commis. “Abstract and deranged, experimental yet beautiful”. On dirait une phrase issue du long-métrage de Lars von Trier The House that Jack Built. On y trouve surtout l’idée que l’on peut se faire d’un disque sans aucun compromis, qui accumule les nuisances techno, hardcore, glitch au service d’un monument d’obscurité tout juste compensée par quelques discrètes percées solaires, qui permettront de se souvenir que la rage savamment contrôlée qui provient de ce disque-là vient bien d’un humain, et non pas de machines. 

Weapons est accompagné d’un disque de remixes proposés par des potes d’Apollo (pêle-mêle : Canblaster, Claude Violante, Sebastien Forrester…) et d’une pochette de disque qui ne peut se comprendre sans quelques mots de celui qui l’a pensé et conçu. La parole à Rémi Sauzedde.

Apollo Noir – Weapons (2020)

« La nostalgie, les collections d’objets, l’imagerie violente du métal et la ville de Thiers.

Je suis né en 1986 à Thiers, dans le Puy-de-Dôme, 63 Vulcanie Auvergne. J’ai grandi dans un tout petit village bien paumé par là-bas dans les années 90. J’avais un grand frère plus âgé de cinq ans et on partageait beaucoup de passions : basket ball, tennis de table, la pèche, les scooters, le motocross puis ensuite les sports de glisses et le punk / hardcore, etc.

Idoles

Je collectionnais tout un tas de merde : des cartes, des canettes de soda supers rares en provenances de Belgique et fêtes foraines. Plus un seul centimètre de mur visible dans ma chambre tant elle était recouverte de posters de mes idoles : Michael Jordan évidemment, Glenn Danzig, les Doors, Andrew Reynolds ou ce fameux poster grandeur nature d’Alonzo Mourning. Toujours en recherche de belles images, intenses et puissantes.

Rien n’a changé depuis ce temps. Une bonne dose de nostalgie s’y est même ajoutée. L’envie aussi de comprendre ma région d’origine, de me rapprocher de mon père disparu trop tôt, comprendre son métier de coutelier (artisan coutelier fabricant de laguiole à Thiers). Réaliser à quel point ce travail était dur, ingrat, mais magnifique. Travailler dans la poussière, la gitane au bec non stop dans le froid, dans le chaud en sculptant différentes parties d’un couteau pour y poser un guillochage inédit (il s’agit des dessins sur le dos d’un laguiole, lame ou ressort).

Disparu, mon père m’aura laissé ses disques de Black Sabbath, Led Zed and co et son amour pour l’artisanat et les belles choses simples et honnêtes.

À chacun de mes retours au bercail, je me remonte un couteau. Parfois, des proches m’en offrent. Mais quoi qu’il en soit, les couteaux sont toujours là et importants. Ils sont beaux, ils sont forts et tous fabriqués à la main. Rien d’industriel. Comme ma musique, en fait.

À travers la pochette de mon dernier album (WEAPONS) et de son successeur rempli de remix de mes amis, j’ai voulu rendre un hommage à mon père. J’ai aussi voulu présenter un outil de mon quotidien que j’utilise tous les jours. Que ce soit pour trancher le pain ou pour partager une planche de fromage en bonne compagnie. Des choses simples qui me constituent. Présenter cet objet en le sublimant à travers un traitement plastique totalement décalé de son but initial. J’aime ce genre de décalage. Je fais ça constamment dans ma musique.

Les couteaux que je présente sont bienveillants

Apollo Noir

Les couteaux que je présente sont bienveillants, car ils sont utilisés lors de moments de convivialité. Il ne s’agit pas de couteau de combat ou de chasse. Mais je savais que sorti de leur contexte, sur mes pochettes de disque ils auraient l’air beaucoup plus agressifs et violents. Comme des armes. 

Une illusion, une fausse piste, un message secret pour mes amis, les connaisseurs ? Sûrement. Comme je le disais plus haut, l’imagerie violente propre aux groupes de metal, punk, hardcore, etc., m’a beaucoup inspiré et accompagné le long de ma vie. J’avais à mon tour envie de présenter une image à la fois mystérieuse et violente (mais secrètement amicale).« 

Apollo Noir (Site officiel / Facebook / Instagram / Bandcamp / Soundcloud / Twitter)

Apollo Noir, Weapons Remixes, 2021, Tigersushi Records, 43 min.