Alasdair Roberts x John Maher – Pangs


Une chambre, dévastée (table retournée, tapis froissé, volets éméchés, toiles d’araignée recouvrant les murs…) comme si un invité indésirable (ou le fragment d’un trop lourd passé…) avait décidé de venir la visiter, habité par des intentions néfastes. On devine le passage, récent, d’un voleur, ou d’un être à qui on aurait, consciemment ou pas, brisé l’intérieur du coeur. Ou une fuite peut-être, précipitée et datée d’il y a sans doute bien longtemps. Ou alors, il s’agit d’un abandon, parfaitement délibéré.

Home, sad home

C’est la dernière perspective qu’il faudra retenir. C’est le nom de la série dont elle est issue – Leaving Home – qui nous l’indique. Et cette photo, conçue par le photographe John Maher, elle illustre également désormais Pangs (« douleurs » en Français)  le nouvel album d’Alasdair Roberts, qui sort chez Drag City / Modulor. Avec un nom pareil, on comprend naturellement le lien entre l’idée de douleur et celui de pièce dévastée par les ravages du temps.

Ce lien, en tout cas, il a paru évidemment à Alasdair, le jour où ce dernier tomba, au cours d’une exposition organisée à Glasgow (la destination est logique lorsque l’on habite en Écosseq) sur ce visuel qui lui aurait immédiatement suggéré une résonance avec les morceaux les plus apitoyés de cet album alors en phase de construction, « Scarce Of Fishing » et « Pangs ». Quelques mois plus tard, voilà ainsi John Maher, ancien batteur, dans les années 80, des Buzzcocks – le groupe phare de la première vague post-punk mancunienne -. remis un peu en lumière, lui qui avait pourtant décidé de s’en éloigner au maximum le jour où il décida, avec sa femme, de partir vivre sur l’île d’Harris, moitié de l’île de Lewis et Harris, composante principale (quoique tout de même peu habitée…) de l’archipel des Hébrides Extérieures, perdu au large des côtes écossaises…

Autarcie

C’est sur cette île, personnification parfaite de ce que peut représenter l’idée « d’isolement » (sur la cinquantaine d’îles que compte l’archipel, moins de 30 000 humains y vivent, pour quasiment autant de moutons black heads…), qu’a été photographié ce logement laissé sans vie par ses habitants, qui serait squatté en milieu urbain par quelques vagabonds sans domicile fixe mais qui l’est ici, à Harris, par des moutons éloignés du troupeau. Preuve en est : la carcasse d’un de ces animaux y traine, dans cet espace décidément abandonné par la vie depuis bien trop longtemps.

Le reste des photos de John Maher, toutes emplies de cette même sensation de vide originel, est à retrouver ici.

Le son

La pop folk tordue, tendre et extrêmement riche d’Alasdair Roberts, natif d’Allemagne mais Écossais d’adoption (son accent en témoigne), poursuit ses explorations sonores sur Pangs, un disque qui laisse de plus en plus de côté le répertoire folk écossais qu’il réécrivait alors il y a dix ans de cela, afin de se concentrer, plutôt, sur l’écriture de sa propre histoire.

Alasdair Roberts (Site officiel / Facebook / Twitter)

Alasdair Roberts, Pangs, 2016, Drag City / Modulor, pochette par John Maher