À travers le prisme de : Basile di Manski


Dans un ciel brumé mais quand même clair, un dauphin s’échappe, et c’est inhabituel, d’une peau de banane ouverte, comme le poussin s’échappe de l’oeuf dans lequel son petit corps fragile s’est formé pendant sa période de gestation. Une certaine vision du monde post-apocalyptique, peut-être, lorsque le Léviathan (celui de Flavien Berger peut-être ?) ou les atomes nucléaires auront définitivement mis fin à cette version-là du monde et aux logiques qui y sont reliées, et en auront imposé de nouvelles, de logiques. Ou un délire pop et dada, sinon, le même qui serait formulé sur cette pochette de disque (celle de l’EP In Camera, signé sur le barré Pain Surprise) et dans les pop-songs synthétiques, sensibles et allumées de Basile di Manski, ce song-writter des temps modernes que l’on retrouvera ce soir à l’affiche de la seconde sauterie de la web-radio Broken Art Club, projet qui se passionne, pas de hasard, sur le mystère, jamais bien clair, de la création (artistique, s’entend).

Et on parlait de Léviathan. Et de poésie. Et ça tombe, bien parce qu’il y aura également ce soir au Trabendo, et en plus de Le Colisée, de Les Filles et les Garçons et de Bagarre (que l’on avait exposé à notre dernière Nuit Néoprisme, consacrée au label Entreprise), l’agitateur de mots et de sons Flavien Berger, qui en connaît aussi un rayon en terme de dé-constructions et d’apocalypses que l’on peut envisager d’une manière moins catastrophée que d’habitude. 

Dauphin, banane, et Broken Art Club Party : il paraissait donc évidemment de devoir parler pochettes de disques avec le Français Basile di Banski, fascinant façonneur d’un tas de choses formidables. 

Basili di Manski - In Camera

D’abord, qui es-tu ?

Quelqu’un qui se pose souvent la question et qui essaie d’y répondre à chaque nouvelle chanson.

La pochette d’album que tu trouves la plus belle ?

Peut-être celle de Curtis ! de Curtis Mayfield. Un mec ultra swag dans un costume jaune pris en plongée psychédélique pendant qu’il regarde la mer. Sinon, toujours dans le genre empereur méditatif, celle du dernier album de Drake est cool aussi (Views).

LA pochette d’album mythique, pour toi, c’est laquelle ?

Idem.

Et la plus laide ?

Il y en a pas mal. La plupart de celles qu’on voit défiler dans la catégorie Best Album sur le magazine Pitchfork. C’est trop clean, trop à la recherche de l’originalité, trop prévisible, trop surfait.

Récemment, y en a t-il une qui t’a marqué ?

Celle de Juliette Armanet, torse nue avec sa queue de cheval. Je trouve ça sexy en apparence et assez pervers en profondeur.

Juliette Armanet - Cavalier Seule

Juliette Armanet – Cavalier Seule

L’artiste / le groupe le plus cohérent d’un point de vue visuel ?

Il y a les Daft Punk ? En même temps ils se font tellement rares que je vois mal comment ils pourraient s’éparpiller. Mac de Marco est assez moderne dans sa façon de faire. Il y a toujours la même tonalité dans ses images. C’est gai et un peu déglingué. J’aime bien.

Le dernier concert qui t’a marqué ?

Adam Green à La Gaîté Lyrique. 2h de concert et toujours pas moyen de savoir s’il était 100% raide ou s’il est juste un peu cinglé. C’est un clochard céleste.

La dernière expo qui t’a marqué ?

Je vais rarement voir les expositions mais j’aime bien la collection permanente de Beaubourg. J’ai pas mal de petits livres sur Klee, de Chirico, Basquiat. Sinon j’ai découvert Pelucas sur le web, un mexicain qui fait des trucs assez indescriptibles.

Paul Klee - Senecio

Paul Klee – Senecio

Si tu devais associer un créateur de sons et un créateur d’images au service d’une pochette d’album, sur quelle association fantasmerais-tu ?

Je suis pas sûr que ce soit intéressant de mêler un grand créateur avec un grand groupe. Les débutants sont peut-être plus à même de se mettre au service d’un autre univers que le leur : les grands ont une patte trop reconnaissable. J’aime les choses personnelles.

La pochette d’un disque peut-elle influencer ta manière de l’écouter ?

Bien sûr. C’est même à ça que ça sert non ?

Pourquoi va-t-on entendre parler de toi très prochainement ?

Parce que ma musique rend à la fois plus beau, plus tendre et plus courageux.

Basile di Manski (Facebook / Soundcloud / Youtube)

Basile di Manski, In Camera, 2015, Pain Surprise Records, 21 min., pochette par Studio Jimbo et Tina Campana