Il est Vilaine x Apollo Thomas — Les mystères de Lorient


Le virage sec d’une route en bord de lac, un palmier, une montagne dont le sommet caresse les nuages, la lune en croissant et le soleil plein de rousseurs. Est-ce la route qui mènerait de Guingamp à Lorient, de Quimper à Brest, de Dinar à Saint-Malo ? Et dans le fond, le Roc’h Ruz, le point culminant de Bretagne ? Non, bien sûr.

Pas de merlus dans le Fujigoko

L’album Les mystères de Lorient, projet singulier mené par deux Bretons basés à Paris amoureux de leur région et adeptes du second-degré (Simon Says et Florent Frossard), raconte un fantasme et un délire qui se résument en ces quelques mots : Il est Vilaine (pour le département d’Ille-et-Vilaine, celui de Rennes, de Vitré ou de Saint-Malo), « un road trip de Lorient à L’Orient ». Le chemin, entre les deux extrémités, est long. Prenons-le tout de même.

Il est Vilaine © Kira Bunse

Il est Vilaine, projet mêlant techno originelle et donc nord-américaine, synthpop kawaii, rock très électronique, disco folle, ambiances bizarres de ce genre de lendemains de bringue où les effluves de la fête passée se manifestent encore un peu dans le corps. On prend la route ? Ouais, mais c’est toi qui prends le volant.

City Pop dans le rétroviseur

C’est Apollo Thomas qui fut sollicité pour réaliser la pochette de ce premier album, un illustrateur, réalisateur, selector, qui propose parfois pour La Station quelques mixtapes (Paris XVIIIe, Porte d’Aubervilliers) « à voir comme des bandes sons imaginaires ».

Il était déjà l’auteur des très beaux premiers visuels qui avaient accompagné les débuts du groupe, aux premiers rangs desquels la pochette de l’EP La Regla Del Juego, où il avait pensé cette ville du futur qui évoquait autant les univers urbains de Philip K. Dick que les pochettes du label japonais City Pop, hommage à ce genre qui, fin 70’s, proposait un dérivé nippon des musiques occidentales (« ma principale référence était le mood de l’illustration d’Eizin Suzuki pour l’album For You de Tatsuro Yamashita », dit-il d’ailleurs).

Tatsuro Yamashita x Eizin Suzuki — For You

Apollo revient alors d’un séjour au Japon, où il vient de passer, relativement isolé, « une semaine sur l’un des cinq lacs sacrés du mont Fuji à Yamanaka ». Il se trouve du côté du village du Ryokan, quasiment désert. « C’était même difficile certains soirs de trouver un endroit ouvert pour manger et on n’avait pas d’autre choix que de choper des trucs au Kombini de la station service. » précise-t-il.

Road trip breton et voyage au Japon

L’Orient qu’il a alors en tête n’a rien à voir avec un merlu ou un récif du Morbihan, il propose alors au groupe de mêler l’idée de leur road trip breton et celle de son voyage au Japon. « Je leur ai envoyé une ébauche de la pochette avec la route, le lac et la ville au-dessous du Mont Fuji. J’ai eu envie d’y ajouter un palmier photographié à un autre endroit lors de mon voyage. Une photo prise à Eno-Shima. L’île est tout près de Tokyo, c’est un lieu où l’on parcourt un chemin qui traverse l’île et permet de visiter les temples les uns après les autres. J’aime y aller pour faire mes vœux de nouvelle année lorsque je suis  au Japon à cette période de l’année. »

Et les quelques étrangetés, légèrement anachroniques, qui figurent sur cette pochette ? « À côté du palmier, le néon « Magenta » est un petit clin d’œil au boulevard où je vis à Paris. Et au-dessus, c’est mon prénom qui est écrit en japonais, comme une signature. »

Tous les chemins mènent à Rome, avait-on coutume de dire lorsque Rome était le centre du monde. Une certaine forme de logique pourrait prétendre ainsi, sachant que la Terre est ronde et qu’on peut donc en faire le tour dans un sens comme dans l’autre, que tous les chemins, aussi, mènent à Lorient. Commençons, ainsi, le périple par cette route-là.

Il est Vilaine (Facebook, Instagram, YouTube / Soundcloud)

Il est Vilaine, Les mystères de Lorient, 2021, Dialect Recordings, artwork d’Apollo Thomas (sortie le 21 mai 2021)