100 gecs x Darío Alva & Mikey Joyce — 1000 gecs and the Tree of Clues


Le bordel, voilà quel semble avoir été le mot d’ordre pour l’élaboration de la pochette de l’album remix du premier long-format de 100 gecs, le déjanté duo formé par les blondinets Laura Les et Dylan Brady. Confiée à l’artiste numérique Darío Alva, l’identité visuelle de 1000 GECS AND THE TREE OF CLUES prend la forme d’un génial fourre-tout hyper référencé, au design kitsch à souhait, qui ferait presque plus penser à la jaquette d’un jeu-vidéo de PS1 retrouvé dans un poussiéreux carton oublié au grenier qu’à l’artwork d’un album. Un résultat génialement chaotique, au moins tout autant que la musique qu’il illustre, qui parvient à occuper la quasi totalité de l’espace mental de quiconque ose poser ses yeux dessus.

À toute berzingue

Pour essayer d’analyser, dans la mesure du possible, le foutoir qui sert de pochette au disque, peut-être faut-il d’abord revenir aux fondamentaux. 100 gecs est un inclassable duo qui s’est brillamment illustré l’an dernier avec 1000 gecs, très solide debut de glitch hop et successeur d’un premier et déjà radical EP en 2017. Productrice d’une musique à l’orée de sous-genres issus des cultures post-internet (imaginez une version « hyperpop » des musiques les plus déconstruites de la scène industrielle londonienne, le tout passé au micro-ondes d’une bubblegum bass sauce PC Music aux accents lo-fi), la formation se caractérise par son exubérance, avec ses voix pitchées à outrance et ses outros tantôt ska (« stupid horse »), dubstep (« 745 sticky ») ou death metal (« 800 db cloud »).

Une musique jouissivement jusqu’au-boutiste, emmenée par de toujours très courts morceaux explorant à toute berzingue et avec brio un spectre de styles à en faire pâlir David Bowie (qui n’a, jusqu’à preuve du contraire, jamais samplé d’aboiements dans un de ses titres, lui).

100 gecs x Mikey Joyce & Gabriel Howell – 1000 gecs (2019)

Visuellement, le dépaysement est moindre ; le premier album de 100 gecs est sobrement illustré par une photographie toutefois glauque, mettant en scène les deux musiciens face à un pin, sur ce qui semblerait être un parking désert et dans une pose on ne peut plus désincarnée (de dos, face à l’arbre, seulement éclairés par un glacial flash) qui donnera des frissons à quiconque se rappelle la scène finale du Projet Blair Witch.

Une référence probablement volontaire, au vu de l’accoutrement sorcier du duo dans le clip confiné de « ringtone » (version remixée, un des premiers singles de TREE OF CLUES), énième preuve que Brady et Les savent faire preuve d’autodérision (pour ne pas dire de je-m’en-foutisme), ce dont la magnifiquement cheap vidéo de « money machine » était déjà garante. De quoi, enfin, toucher un mot sur leurs impayables tronches, à mi-chemin entre le stéréotype du redneck et du militant anarchiste.

Casting absurde

Voilà donc, un an après un premier LP qui a bien établi la nature jusqu’au-boutistement alternative du duo, 1000 GECS AND THE TREE OF CLUES, une collection de 19 remixes et versions inédites des titres de 1000 gecs, concoctés pour l’occasion et réunis sous une ligne artistique encore plus bordélique qu’à l’origine.

En témoigne un artwork presque épileptique, reprenant la sobre illustration du premier disque, pour en livrer une version tout à fait infâme, débordant de références et invoquant pêle-mêle des versions (encore plus) démoniaques de la lune de Majora’s Mask, un colosse tout droit sorti de Shadow of the Colossus, un Nazgûl qu’envierait le héros de Dark Souls, ainsi que tout un catalogue d’ectoplasmes ou de monstres mobilisant un imaginaire celtique.

Le responsable : Darío Alva, artiste digital passé au service de Bad Gyal, Post Malone et (plus récemment) Lady Gaga, dont les textures synthétiques déforment la réalité à l’envie (pour l’améliorer autant que la détériorer), comme les productions stridentes du duo tordent le cou à toute mesure.

Comme pour signifier un casting absurde, des expérimentations d’autant plus cinglées et extrémistes, l’artwork en fait des caisses, invoquant autant de références que la musique de 100 gecs a des portes d’entrées : on ne sait jamais où donner de la tête.

Le son

Que ce soit clair : 1000 GECS AND THE TREE OF CLUES ne fait aucun prisonnier. Les et Brady ont fait péter le budget pour disposer d’un casting cinq étoiles, réunissant les têtes pensantes de PC Music, les géniaux A.G. Cook et Danny L Harle, venus, tant qu’on y est, avec toute leur clique : Charli XCX, GFOTY, umru, Hannah Diamond, Dorian Electra et Tommy Cash. Avec, également, de remarquables outsiders, notamment Kero Kero Bonito, Fall Out Boys, Rico Nasty ou encore Black Dresses, le projet à l’allure gargantuesque ne laisse aucun répit.

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Darío Alva (Instagram)

100 gecs, 1000 GECS AND THE TREE OF CLUES, Dog Show Records, 51mn., artwork par Darío Alva.