Glass Museum x Barthélemy Decobecq — Reykjavik


Un arrière-plan qui évoque l’intérieur d’un volcan, d’une grotte ou du moins, d’un espace où la lumière du soleil n’entrerait que rarement. Et le sombre du décor contre-balancé par l’éclatante luminosité de celle qui s’impose, au premier plan, comme une apparence aux allures de sacré, de mystique et de providentiel : une silhouette, en mouvement puisqu’elle saute (on a même le sentiment de la douce lévitation), rayonne et impose une lumière rouge-orangée aux yeux de celui qui la découvre pour la première fois. Cette pochette sur laquelle on peut lire l’écart qui sépare le jazz (la chaleur des couleurs vivifiantes ?) et les musiques électroniques (le caractère plus distant de la roche), est celle de Reykjavik, le nouvel album de Glass Museum, duo bruxellois (Antoine Flipo  aux synthés et Martin Grégoire à la batterie) qui évoque avec nous ce visuel photographié, avec une élégance remarquable, par Barthélemy Decobecq.

« À la base, notre album devait s’appelait « Colophane ».

On aimait l’analogie entre matière naturelle et synthétique, la transformation d’un élément de la nature

Glass Museum

La colophane : c’est un résidu solide obtenu à partir des arbres résineux, et ça ressemble à une pierre orange translucide. On l’utilise notamment en musique classique, pour frotter la mèche des archets pour permettre la mise en vibration de la corde, car, sans colophane, les crins glissent sans frottements sur la corde presque sans en tirer un son. On aimait l’analogie entre matière naturelle et synthétique, la transformation d’un élément de la nature : la sève de bois, vers quelque chose d’artificiel. La colophane, comme dans notre musique, qui part des fondements acoustiques : piano/batterie, et qui tend en équilibre vers l’électronique, vers l’artifice. Le lien avec l’utilisation de l’objet en musique classique nous plaisait également.

Pour l’environnement de l’artwork, on cherchait un décor minéral, un paysage lunaire où capturer une analogie de la colophane. La photo a été prise au fond des immenses carrières d’extraction de pierres « CCB » à Tournai en Belgique.

Un album, c’est un peu une photographie d’une œuvre musicale, d’un mouvement, d’une dynamique figée dans le temps à un certain moment précis. C’était donc important pour nous d’illustrer ce mouvement sur notre artwork. On peut donc voir « Lily », en plein saut, prisonnière de la colophane, le tissu orange étant également en pleine lévitation. 

Quand l’album et l’artwork ont été terminés, on a pris un peu de recul et développé une nouvelle réflexion sur le sens de l’œuvre globale. C’est là qu’on a eu un déclic : l’Islande, où nous avions eu l’occasion de jouer, collait bien à l’atmosphère de l’album. Ce pays nous évoque des ambiances froides, spatiales, vides et sauvages. C’est également le pays des éléments, du calme et de la tempête.

On a donc finalement décidé d’appeler notre album « Reykjavik » ! »

Le son

Dans la lignée de ces artistes qui font cohabiter les idées de musiques jazz, classiques et celles de musiques électroniques (un œil du côté du label d’Erased Tapes — celui d’Ólafur Arnalds ou de Nils Frahm — ou des compositions de GoGo Penguin, donnera un point de repère), le duo Glass Museum propose depuis Bruxelles une musique magnétique et volatile, qui cotonne la surface avant de s’envoler vers les airs, et qui le fait avec une puissance mélodique certaine. Éminemment cinématographique et rêveuse, cette musique-là trouve sa place dans un album nommé comme la ville phare d’un pays empli d’une fantasmagorie solide — Reykjavik, la capitale de l’Islande — et servira de refuge à celles et ceux qui auront besoin, en ces temps où l’obscurité mentale occupe une place prépondérante, d’un espace pour poser, sereinement, les pensées les plus difficiles à formuler.

Glass Museum (Site officiel / Facebook / Instagram / YouTube / Bandcamp)

Barthélemy Decobecq (TumblR)

Glass Museum, Reykjavik, 2020, Sdban Ultra / N.E.W.S., 40 min., artwork par Barthélemy Decobecq